Page 31 - La pratique spirituelle
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Il me semble que le sens du moi doit disparaître. Cela semble Est-il contre-productif de tenter de reformater le mental en lui
signifier que plus aucun mouvement mental n’émerge jamais. expliquant la « vérité », Tout est Un, tout est illusion,…. ? Ou
Certainement, un mental fonctionnel va persister, n’est-ce pas ? alors est-il préférable de se tourner vers la voie directe consis-
Oui, bien sûr, vouloir éliminer toutes les pensées serait tant à « tout oublier » en tout bypassant ?
comme de vouloir éliminer toutes les fourmis. Il en restera Lorsque la vérité est entendue, elle éveille en vous un écho.
toujours une qui pourra se reproduire. Dans la désidentifica- Cet écho provient de la vérité présente en vous-même. Il
tion du mental, c’est la conscience elle-même qui se libère de ne vient pas de l’extérieur, mais est un reflet direct de votre
l’identification au contenu de la pensée. Cela concerne le men- nature propre. Si votre esprit est suffisamment mature, vous
tal psychologique, fait des mémoires de plaisir et de douleur. pouvez alors, dans l’instant, vous établir dans la nature du
Cela ne concerne pas le mental fonctionnel, qui sert à acheter Soi. Si l’esprit est encore encombré, peurs, doutes et projec-
son pain. tions continueront à solliciter votre attention. Ne rien faire
est aussi un faire. Vous pouvez voir, clairement, que le faire
Mais alors, le moindre mouvement mental qui se manifeste sera ne peut vous amener à l’être, qu’il est inefficient pour rame-
forcément en rapport avec les préoccupations du « je », avec la ner l’attention à cela qui est attentif, car il maintient l’idée
survie du « je-corps »... d’un but à atteindre. Cette reconnaissance de l’impuissance
En effet, toutes les pensées, même fonctionnelles, sont du faire se fait à partir de la complétude. C’est la complétude
orientées vers la survie du corps. Mais, à moins d’être dans un qui reconnaît l’incomplétude. En remontant le fil de l’atten-
absolu détachement corporel, qui accepterait aussi sa désin- tion jusqu’à son point de départ, là où il n’existe nulle distance
tégration complète et immédiate, il y a maintenance d’un à franchir, vous réalisez que vous êtes déjà accompli, et que
mental actif corrélé à un corps actif. L’orientation spatio-tem- toute tentative d’accomplissement ne fait que vous éloigner de
porelle et l’organisation des priorités d’actions requièrent un cette évidence.
tel mental, qui est fonctionnellement actif, mais ne génère ni
souffrance, ni peur, ni doute. *
* *
La méditation semble s’approfondir et perdurer de plus en plus La quantité, la qualité et l’intensité du « jeune mental » ont-
longtemps. Il vient cependant toujours un événement émotion- elles une influence pour que la conscience accède à cette recon-
nel qui remet le « moi » au centre, et le tourne vers des préoccu- naissance non objective d’elle-même ?
pations bien peu spirituelles… La tradition spirituelle considère la réalisation comme
Ces moments de réaction sont précieux. Ils permettent étant le fruit d’une maturation, processus temporel alliant
le dévoilement des résidus égotiques. Lorsqu’ils sont vus et pratique, questionnement et méditation. Selon la maturité
accueillis, ils se résorbent d’eux-mêmes dans le silence de de chacun, ce processus peut s’étaler sur une longue période,
l’écoute. C’est le refus qui les nourrit.
ou bien se concentrer dans une seule fraction d’instant. C’est
cela le « satori ». Celui qui est prêt pour cela reçoit la grâce au
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