Page 34 - La pratique spirituelle
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encore question d’un choix. C’est l’enseignement qui vous
quitte, et non vous qui le quittez. *
* *
Vous m’aviez d’ailleurs dit que la conscience ne manquerait pas J’ai l’impression que deux pratiques sont possibles. Partir de
de me re-solliciter, une brèche s’étant entrouverte. l’écoute qui amène aux asanas. Ou partir des asanas, et laisser
Oui, certainement. Le Soi absorbe en lui le moi, comme l’écoute s’y déployer via le souffle.
l’ogre les enfants qu’il dévore. Il n’a de cesse jusqu’à ce qu’il ne L’état normal du mental est celui de la dispersion. Avant de
reste plus que lui. pouvoir remonter le fil de la pensée jusqu’à sa source, le men-
tal doit tout d’abord être stabilisé. C’est l’une des fonctions
* de l’écoute corporelle. Dans les voies progressives, la purifica-
* * tion du corps et des corps est considérée comme un prélude
Peut-on identifier deux niveaux différents du cheminement indispensable à la réalisation du Soi. Dans les voies directes,
d’un chercheur ? Un niveau où le détachement serait plus grand la purification des corps est considérée comme une perspec-
par la simple intuition d’une présence située au-dessus de notre tive erronée, amenant à croire que ce que vous êtes, dans votre
volonté. Et un niveau où il n’y aurait plus ni détachement, ni nature intemporelle, a besoin de pratiques temporelles pour se
personne à détacher. révéler. Cependant, même pour les adeptes des voies directes,
Oui, ces glissements dans la perspective décollent la rien n’empêche d’utiliser des outils propres aux voies progres-
conscience-témoin des reflets qui sont en elle. Tant qu’il y sives, afin d’assainir le corps et d’apaiser le mental. Il convient
a identification au reflet, il y a souffrance et séparation, et toutefois d’en connaître les limites, et de ne pas confondre
donc quête de béatitude. Lorsque l’identification est brisée, l’outil avec le but.
ne reste que la béatitude elle-même, sans rien à chercher, ni
rien à trouver. *
* *
* J’en reviens à ce que l’homme considère comme des formes de vie
* * « moins évoluées ». Au stade « moins évolué », il n’y a pas de pro-
Pouvez-vous m’expliquer les principales différences entre le blème. Au stade « ultime » où l’homme ou toute autre entité a
boud dhisme et la voie que vous nous enseignez ? résolu le Soi, il n’y a plus de problème. Entre les deux, il y a tous
Il existe, dans le bouddhisme, de nombreuses écoles et les problèmes, la souffrance, le contre-sens. Quelle est la logique
approches différentes. Le Dzogchen et le Mahamudra sont de cette phase intermédiaire de contre-sens ?
celles qui se rapprochent le plus de l’Advaïta-Vedanta, dont Entre le fait de réaliser que ce que nous cherchons n’est pas
sont inspirées les perspectives que nous explorons ici. Ce sont dans l’objet, et la réalisation que nous sommes ce que nous
toutes des voies dites directes, pointant vers l’absolu qui trans- cherchons, gît un hiatus. Ce hiatus, c’est la nuit obscure de
cende la forme. l’âme, comme le disait saint Jean de la Croix. Le deuil du trésor
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