Page 98 - La pratique spirituelle
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dompté, l’attention reste plus facilement centrée sur une seule              un objet quelconque, un cours d’eau ou la circulation automo-
            perception à la fois. Elle est alors prête pour revenir à elle-              bile... Mais alors, qui pense ?
            même, dans sa toute présence.                                                   La vision appartient à la conscience. Sa fraîcheur naturelle
                                                                                         vient du fait qu’elle ne s’encombre pas du perçu, tout comme
            Peut-on dire que la totalité de la souffrance est toujours et indé-          le miroir ne s’alourdit pas des objets qui se réfléchissent en
            fectiblement associée à des pensées qui sont saisies ?                       lui. On est au plus proche de la vision naturelle dans l’éton-
               Oui, saisie et identification au contenu de la saisie.                    nement et l’émerveillement. Le vécu ne se réfère alors pas à la
                                                                                         mémoire, mais à la lumière du Soi qui miroite dans l’objet. En
            Peut-on conclure que lorsque la saisie des pensées est réduite               vous familiarisant avec une vision dépouillée de la référence
            au minimum, par la grâce de l’écoute, la souffrance s’efface                 au passé, en regardant vos proches et le monde à partir d’un
            naturellement ?                                                              regard sans mémoire, comme si chaque instant était le premier,
               Oui, car c’est la saisie elle-même qui est souffrance.                    vous ne laissez pas votre regard s’encombrer avec ce qu’il n’est
                                                                                         pas. La fraîcheur habite alors votre vécu, même dans une acti-
            L’écoute des pensées, est-ce le mental qui se dilate, au lieu de se          vité répétitive, qui n’est répétitive que pour la mémoire, mais
            densifier et prendre des formes ? Cette dilatation en vient-elle             non pour le vécu ancré dans la créativité de l’instant. La ques-
            alors à épouser le sans-forme jusqu’à sa résorption en lui ?                 tion : « Qui pense ? » n’est faite que pour ramener l’attention
               Lorsque la pensée est écoutée, elle se dissout en effet dans              vers cela qui précède la question, l’unité propre de votre être.
            la non-pensée.
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            Habiter l’écoute, être écoute, est-il synonyme d’absence de                  rence au passé ? Y aurait-il des exercices à pratiquer ?
            projection ?                                                                    Oui, bien sûr, on peut apprendre à regarder, c’est-à-dire à
               Oui, car ce qui écoute la projection est libre de projection.             accueillir en soi ce qui est regardé, sans jugement, en négli-
                                                                                         geant tout commentaire qualificatif. Vous pouvez commen-
            Être écoute, ou invalider la totalité du contenu du mental                   cer par le ciel, les nuages, les arbres, puis les objets dans votre
            chaque fois qu’il se manifeste, est-ce la même posture ?                     pièce, avant de contempler de la même manière votre corps,
               L’invalidation est un mouvement, l’écoute est en dehors                   vos proches. Cela devient ensuite une vision naturelle, l’inter-
            du mouvement.                                                                prétation apparaissant pesante, redondante et dénuée de sens.


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            Tout apparaît comme déjà voilé par le connu, même si la pensée               D’après vous, faut-il être neutre par rapport aux événements ?
            n’intervient pas. Rien n’est neuf, nouveau, sauf dans des rares. Les            Vouloir être neutre n’est pas neutre. Voyez simplement
            pensées sont perçues comme de l’extérieur, comme on percevrait               que votre esprit est enfermé dans des conclusions et des jeux



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