Page 37 - Lux in Nocte 2
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Vinci expérimenta toute sa vie, osant en peinture comme ailleurs, sans
recommencer jamais quelque chose. Ici, avec cette œuvre, c’est le sfumato qu’il
cherche à sublimer encore, le travail sans dessin, avec l’huile en guise de lumière et
le génie, aussi.
On doit compter énormément de temps de séchage, superposer des couches par
dizaines, et pourtant si peu de couleur. Une œuvre à part. En risquer la réplique
c’est parier gros pour l’amour propre du copiste, mais tellement de joie d’arriver au
moins à cela.
Une dernière chose : le hasard a voulu que la fin de mon labeur coïncide avec le
début du nettoyage du tableau, l’œuvre originale du maitre florentin !
J’ai immédiatement cessé mon travail en attendant le
résultat du nettoyage afin de confronter le tableau avec ma copie.
Quel effet fera ma récente addition de couches d’huile face à la soustraction de
couches de vernis devenues préjudiciables que l’on avait retiré dans les sous-sols du
Louvre.
Cela allait-il correspondre ?
De l’avis des experts et de la presse spécialisée ce « toilettage » fut une réussite.
A le voir, j’ai été vraiment déconcerté par la nouvelle apparence du tableau
original. Les vernis qui avec le temps avaient « viré », donnaient jusqu’alors à
l’œuvre un irisement mordoré que le nettoyage à gommé. Nous voilà dans des gris
que je trouve moins heureux. 36
Je ne modifierai pas ma copie. Je préfère le Saint-Jean du vingtième siècle ! Mais
c’est encore une occasion d’évoquer les notions de goût, de vrai, de beau, d’unique,
de chef-d’œuvre, et d’en brasser les multiples sens. Et de ce point de vue, un chef-
d’œuvre copié n’a plus de sens ! Il n’a pas de « valeur » financière, il ne pose pas un
« artiste », il ne fonde pas une « œuvre », mais il est là, également remarquable.
Original Copie
Eric Le Vaillant