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Adrien Plomteux, Ligue de L’Enseignement et de l’Éducation permanente

Une crise comme

opportunité

Les crises ont le potentiel de radicalement transformer nos sociétés. À nous de saisir

cette opportunité pour créer un monde meilleur à l’avenir.

Nous vivons une période exceptionnelle. Une idées de passer très rapidement au centre.
période qui, bien qu’elle soit tragique, a le poten- Mais comment se fait-il qu’une idée parvienne
tiel de radicalement changer nos sociétés. au centre et pas une autre? Le théoricien le plus
L’Histoire nous enseigne que la période sui- connu du néolibéralisme, Milton Friedman, ap-
vant une crise est propice à de grands change- portait d’une certaine manière une réponse à
ments sociétaux. L’ancêtre de l’Organisation des cette question dans son livre Capitalisme et Liberté:
Nations Unies, la Société des Nations, a été créée «Seule une crise – réelle ou perçue – produit un réel
en réponse à la Première Guerre mondiale. L’ONU, changement. Lorsque cette crise survient, les actions
elle-même, n’est pas bien différente aujourd’hui entreprises dépendent des idées qui sont dans l’air».
qu’après sa création, juste après la Seconde Guerre «Les idées qui sont dans l’air», ce sont elles
mondiale. Le droit de vote des femmes a été oc- qui deviennent des mesures politiques après une
troyé après la Première ou la Seconde Guerre mon- crise. Dans ce dossier seront présentées certaines
diale dans la plupart des pays occidentaux. Dans un d’entre elles. Elles étaient jusqu’à présent assez
autre registre, la crise pétrolière et économique des éloignées du centre de la fenêtre d’Overton. Pour
années 1970 a, d’après certain·e·s historien·ne·s, parvenir au centre, elles doivent remporter la ba-
été l’élément qui a permis l’arrivée au pouvoir taille des idées.
des idées néolibérales, qui dominent encore au- À la fin de ce dossier, nous espérons que ces
jourd’hui les sphères politiques mondiales. idées vous paraîtront raisonnables.
Un exemple flagrant du potentiel de la crise du Bonne lecture!
Covid-19 provient de ces quelques lignes de l’édi-
torial du 4 avril du Financial Times. Celles-ci seront
sans doute citées par les historien·ne·s à l’avenir,
tant elles semblent aller à l’encontre de la pensée
traditionnelle du journal:
«Des réformes radicales – renversant l’orienta-
tion politique des quatre dernières décennies – de-
vront être mises sur la table. Les gouvernements de-
vront accepter un rôle plus actif dans l’économie. Ils
doivent considérer les services publics comme des
investissements plutôt que comme des passifs et cher-
cher des moyens de rendre les marchés du travail
moins incertains. La redistribution sera à nouveau
à l’ordre du jour; les privilèges des personnes âgées
et des riches seront remis en question. Des politiques
jusqu’à récemment considérées comme excentriques,
telles que le revenu de base et les impôts sur la for-
tune, devront être dans le mélange».
La fenêtre d’Overton est un outil théorique
permettant de comprendre comment certaines
idées deviennent des mesures politiques. Au dé-
part, les idées sont impensables, avant de devenir
radicales, et ainsi de suite jusqu’au centre de la
fenêtre. La crise du Covid-19 permettra à certaines
n° 155 | juin 2020 éduquer 15