Page 61 - MOBILITES MAGAZINE N°2
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Technologies & innovations
petits véhicules et prévoit d’en produire 80 cette année seulement. « La demande est très forte », constate François Charlot, respon- sable Test et Validation au sein d’EasyMile. L’entreprise, basée à Toulouse et désormais présente à Dubaï, Singapour et bientôt à Den- ver aux Etats-Unis, expédie ses petits véhicules partout dans le monde et compte se positionner sur le marché français, appelé à s’ouvrir dans les prochaines années. Pour l’heure, le mot d’ordre est ex- périmentation. L’entreprise, qui n’a qu’un seul véritable concurrent en France, fait circuler ses navettes sur des réseaux tests, comme sur le pont Charles de Gaulle à Paris, sur un campus universitaire au Ja- pon ou encore dans un jardin bo- tanique à Singapour. Mais le défi d’EasyMile, qui compte aujourd’hui quelque 70 salariés dans le monde, est bien plus ambitieux : « Notre but, c’est que les navettes soient mises en service pour répondre à un réel besoin », explique François Charlot.
Le véhicule, destiné aux derniers kilomètres sur les zones d’activité, les grands parkings ou encore les parcs d’attractions, a toutefois en-
core un peu de chemin à faire avant d’être intégré aux schémas de mobilité classiques. Premier défi, et non des moindres : la ré- glementation. « La convention de Vienne, qui régit la circulation des véhicules dans le monde, ne prévoit pas de catégorie pour ce type de véhicule. Selon les textes, il doit toujours y avoir un conducteur der- rière le volant. Le problème sur la navette, c’est qu’il n’y a pas de volant », sourit le responsable Test et Validation. Calquer le véhicule autonome sur une catégorie exis- tante ne serait pas réaliste. « Nous roulons à une vitesse de 10 km/h en moyenne. On ne peut pas com- parer la navette à un bus qui circule sur l’autoroute », observe-t-il. En France par ailleurs, si le poste de conduite a disparu, les navettes ne sont autorisées à circuler par dérogations ministérielles qu’à condition d’être surveillées par un opérateur à bord, en plus d’une supervision à distance.
Défis techniques
En matière technologique, EasyMile est parti d’une page blanche et n’en est qu’au premier chapitre. Si pour l’heure, les navettes ne cèdent
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Le véhicule peut transporter jusqu’à 12 personnes, dont six assises et une place pour fauteuil roulant.
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Boutons de contrôle interne. A l’intérieur, les passagers peuvent ouvrir les portes, déployer la rampe d’accès pour fauteuils roulants et appeler un opérateur à distance en cas de problème.
pas la priorité et n’évitent pas les obstacles, le département re- cherche & développement de la start-up planche déjà sur la troi- sième génération, la deuxième étant livrée depuis mi-février. Parmi les améliorations prévues : des temps de recharge amoindris (il faut aujourd’hui environ une nuit pour charger une navette), la sy- métrie du véhicule repensée avec deux moteurs ou encore un sys- tème de climatisation réversible pour partir à la conquête des ter- ritoires aux climats houleux. Les carrefours, zones sensibles de la circulation, restent par ailleurs un challenge technique de taille. La navette est capable d’anticiper un freinage ou d’effectuer un arrêt d’urgence grâce à ses huit lasers en cas de danger imminent, mais elle ne peut pas détecter un régime de priorité.
L’objectif : permettre à la signali- sation de communiquer avec la navette, à l’aide d’un signal à faible portée, « comme une sorte de Wifi », précise François Charlot, désignant des feux de circulation reçus pour des phases de test. Quant aux deux caméras externes du véhicules, « elles sont fiables dans 95% des cas, mais les 5% restants sont inacceptables ». Car cette technologie sous le feu des projecteurs n’a pas le droit à l’erreur pour faire ses preuves. « La sécurité passe avant tout». Et malgré la réactivité d’une machine qui ne se paye pas le luxe du temps de réaction en cas de danger, « le “ zéro accident “ n’existe pas, même sur les navettes », reconnaît Fran- çois Charlot. Et reste encore à conquérir les réseaux, encore fri- leux à l’idée d’exploiter la mobilité sans conducteur. L’ingénieur constate cependant que ces véhi- cules, clés de voûte d’une mobilité repensée, ont « gagné en crédibi- lité » ces dernières années.z
TEXTE ET PHOTOS : CAPUCINE MOULAS
MOBILITÉS MAGAZINE 02 - MARS 2017 - 61