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Politiques & institutions
malheureusement défaut. J'aurais aimé qu'il y ait autour de cette table un représentant de l'Etat, c'est dommage il n'y est pas. On a tous participé de près ou de loin à la COP21, et vous savez les enga- gements qu'on a pris ».
Gilles Dansart, rédacteur en chef de Mobilettre, note qu'il manque « une clarification de l'Etat sur com- ment, du point de vue du social et de l'adaptation des textes, il consi- dère sa stratégie. Il y a des choses à déterminer du point de vue de la Direction générale des Infrastruc- tures, des Transports et de la Mer, avant de se lancer soit dans la concurrence, soit dans l'expérimen- tation ». Yves Crozet du Laboratoire Aménagement Economie Trans- ports a des propos très crus lors de la conclusion du colloque : « pour le ferroviaire, je compte beaucoup sur les régions. Parce que, définiti- vement, je ne crois plus à l'Etat stratège, et je ne crois pas à nos élus nationaux. Fondamentalement, dites-vous qu'il n'y a pas d'Etat stratège, et que vous-même vous devrez faire des coups pour convain- cre la loi de changer un petit peu pour faire quelque chose. Mais si on oublie cette hypothèse d'un Etat omniscient, omnipotent et bien- veillant, cela ouvre des opportunités, mais avec, évidemment, un monde plus instable ». Didier Aubert de- mande : « il faut une loi pour l'ex- périmentation, et derrière des ga- ranties sociales ».
Un problème général selon Domi- nique Riquet, député européen et ancien maire de Valenciennes : « la capacité d'intervention des pouvoirs publics, dans beaucoup
de pays et en Europe quasiment partout, est devenue extrêmement faible parce que leur composition budgétaire ne dégage plus de marges de manœuvres pour les investissements à moyen et long termes ».
5la liBeraliSation
dU Fret Ferroviaire : APPAT OU EPOUVANTAIL ?
Sujet sensible, car doté d'une réelle force symbolique comme le rappelle Dominique Riquet, vice-président de la Commission Transports et président de l’Afra : « le service public en France a une connotation missionnaire qu'on ne retrouve pas ailleurs ». Les représentants des syndicats présents, à savoir la CFDT (Didier Aubert) et UNSA Cheminots, à travers Roger Dillenseger, son secrétaire général, ont clairement dénoncé les conséquences de l'ou- verture du fret ferroviaire en termes d'impact sur les salariés. Ils ont rappelé, à titre d'exemple, les plans sociaux en cours chez Euro Cargo Rail (filiale de la Deutsche Bahn). Roger Dillenseger : « multiplier les acteurs sur un transport guidé n'est pas forcément un gage de qualité et de sécurité. Si demain il y a de la concurrence, elle doit être entre entreprises ferroviaires, mais en aucun cas entre les salariés. Nous considérons que la libéralisation du fret ferroviaire est une catastrophe ». Gilles Dansart, rédacteur en chef de Mobilettre, contredit cependant la vision syndicale : « on entend encore que la libéralisation a pré- cipité le fret ferroviaire dans l'abîme. C'est historiquement faux. La dé-
« multIplIer les acteurs sur un transport guIde n'est pas forcement un gage de qualIte et de sécurIte »
gringolade du fret ferroviaire est largement antérieure à la libérali- sation de 2006. C'est justement arrivé parce qu'il ne s'est pas produit ce qui semblerait (...) se produire aujourd'hui à la SNCF, c'est-à-dire une grande disponibilité pour es- sayer de résoudre un grand nombre de problèmes patents, dans la pro- duction, le management, et l'or- ganisation. C'est bien parce que ce travail n'avait pas été fait avant 2006 que les choses ont continué à se dégrader. Alain Bonnafous du Laboratoire Aménagement Econo- mie Transports l'a rappelé : s'il n'y avait pas eu la libéralisation, ça se serait écroulé de toute manière, parce que les tendances étaient très mauvaises. Donc, on ne peut pas faire de parallèle en assimilant concurrence et foutoir. Rien n'est gagné si l'Etat ne joue pas son rôle, si les régions sont un peu mollassonnes, si deux syndicats ne jouent pas le jeu, mais le parallèle avec le fret ferroviaire est à proscrire. La concurrence est forcément un facteur important pour se poser les bonnes questions. Je ne cesserais de noter le changement culturel qui se produit au sein de la maison SNCF ». Yves Nicollin, député-maire de Roanne est lui optimiste : « qui dit que la SNCF ne sera pas opéra- teur partout avec la libéralisation ? » Anne Yvrande-Billon, vice-prési- dente de l’Arafer, évoque le contexte juridique différent entre le fret et le voyageur : « on parle même de modèle à la française avec la délégation de service public. Dans beaucoup de secteurs, depuis des siècles, cette attribution par appels d'offres de contrats de ser-
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« la capacIte d'InterventIon des pouvoIrs puBlIcs, dans Beaucoup de pays et en europe quasIment partout, est devenue extremement faIBle parce que leur composItIon BudgetaIre ne degage plus de marges
de manœuvres pour les InvestIssements a moyen
et long termes »
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Roger Dillenseger, UNSA Cheminots.
Dominique Riquet, vice-président de la Commission des transports du parlement européen.
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