Page 17 - EXTRAIT ANACALYPSE
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immobile, laisser tomber le voile de ses cheveux devant son visage et
               se cacher en espérant que ça la croira déjà morte et ne prendra pas la
               peine de l’approcher.
                   Ses courtes jambes musclées par la natation choisissent pour elle,
               voici qu’elle zigzague entre les véhicules abandonnés depuis la pénurie
               de carburant. Elle se maudit de ne pas avoir de vélo, de trottinette
               même ! Elle enrage de ne pas avoir deux roues, quelque chose, n’importe
               quoi qui lui permette de gagner quelques mètres…
                   Trop tard.
                   Déjà, l’air glacial s’enroule autour de ses chevilles, remonte le long
               de ses jambes, s’insinue en elle… Trop tard.


                   Son propre cri la tira du sommeil. Elle ouvrit les yeux,
               surprise de se trouver dans son lit, de sentir les draps trempés
               de sueur enroulés autour de ses membres crispés. Elle repoussa
               une longue boucle châtain de son visage. Son cœur battait
               à un rythme fou, qui lui rappelait la course effrénée de son
               rêve. Sentiment d’urgence, de danger imminent. Les animaux
               qui avaient hurlé la veille sans discontinuer s’étaient tus. Cela
               suffit pour l’alerter : sans réfléchir davantage, elle se précipita
               vers l’entrée de son studio, attrapa les chaussures, la besace,
               le manteau toujours à portée de main en cas d’urgence. Elle
               eut la présence d’esprit de jeter les clés dans son sac, claqua
               la porte, descendit en courant les quelques marches d’escalier
               qui la séparaient du palier, et se retrouva dans la rue sombre.
                   Alors, le roulement sourd commença son chant sinistre.
               Ce  bruit  terrifiant  qui  ressemblait  à  s’y  méprendre  à  celui
               d’un camion fou, qui arriverait à toute allure sur vous. Qui
               vous remuait les tripes, qui congelait votre cerveau en une
               seule pensée : Chtonos va frapper. Maintenant. Sans que vous
               sachiez combien de secondes de répit ce dieu des profondeurs
               de la Terre vous accordait, ni combien de temps allait durer
               l’assaut. Avec quelle force il allait sévir. Cela pouvait n’être
               qu’un instant, à peine le temps de vous déséquilibrer et de

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