Page 22 - EXTRAIT ANACALYPSE
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où chacun venait partager son savoir, des clubs de sciences ;
              et malgré la précarité des moyens, les inventions semblaient
              bien plus nombreuses et plus révolutionnaires qu’auparavant.
              Toutefois, avaient été également ramenés à la surface le pire, les
              peurs, les vices, ce que l’on avait soigneusement caché, enfoui,
              ignoré durant des années. Ce phénomène avait été amplifié
              chez certains par l’usage de l’anacalypse, ou « Ana », terrible
              drogue chimique ; les  dealers  prétendaient  qu’elle  ferait  de
              vous un Superman, une Wonderwoman, un Leonardo da Vinci
              ou un Steve Jobs. Les cartels qui produisaient et revendaient
              l’anacalypse  utilisaient  ces  prétendus  «  effets  révélateurs  »
              comme argument de vente. Toutefois, dans les rues où les
              drogués prenaient leurs doses, Terry n’avait vu que des loques
              humaines se traîner dans la fange, ou des bêtes sauvages se
              déchirer pour un gramme de cette poudre « magique ». Mais
              aucun super héros. Et les changements d’humeur, les propos
              violents  et  l’agressivité  latente  constituaient  les  premiers
              symptômes de la dépendance, coupant peu à peu la personne
              de ses proches – du réel.
                 Terry se recoucha, toujours pensive, saisit un recueil sur sa
              table de chevet et finalement laissa les vers de Yannis Ritsos
              emporter ses préoccupations.
                 Elle se réveilla quelques  heures  plus tard. Malgré le
              chamboulement de la nuit, il fallait reprendre un rythme à
              peu près normal : on était mercredi, jour de « marché ». Tout
              en tirant un petit chariot à roulettes comme continuaient à le
              faire les Athéniens pour leurs courses, elle traversa les ruelles
              où se pressaient déjà d’autres survivants du Grand Séisme et
              arriva au pied d’une église, sur la place où attendaient nombre
              d’entre eux, venus de quartiers éloignés. Ils avaient passé la
              nuit ici, à la belle étoile, sur le matelas dur de l’asphalte qui
              restituait la  maigre  chaleur  emmagasinée  le  jour  précédent.
              Comme Terry, ils avaient sans doute été réveillés lors de la
              réplique sismique. À moins que l’épuisement et la faim n’aient

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