Page 25 - EXTRAIT ANACALYPSE
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rumeur.  Quelques-uns  décidèrent  de  partir,  de  tenter  leur
               chance à un autre point de ravitaillement, plus loin, et tant
               pis s’ils savaient qu’il serait trop tard pour obtenir quoi que
               ce soit, le principal était d’essayer. Cela se produisait parfois :
               les provisions n’arrivaient tout simplement pas. Le seul espoir
               était que les récoltes de pommes de terre et de salades des
               campagnes environnantes fussent  réquisitionnées  par  les
               autorités  européennes  pour être  distribuées en ville  et  non
               vendues à l’étranger ou stockées dans des entrepôts pour être
               revendues à prix d’or. Les popes avaient dû regagner l’église :
               les cloches sonnaient l’heure.
                   Fatiguée de cette attente vaine, Terry quitta son abri puis
               s’éloigna. Alors qu’elle quittait la place, son regard tomba sur
               l’homme qui jouait de la guitare, installé dans un renfoncement
               de porte sombre et crasseux. Elle ralentit légèrement le pas
               pour écouter la douce musique ; séduite, elle se pencha vers la
               coupelle métallique pour y laisser quelques pièces, remercia à
               voix basse le musicien qui ne lui adressa pas un regard, puis
               reprit sa route en direction de son immeuble. Dans la boue
               et les immondices, les roues de son chariot laissaient deux
               ornières  profondes  à côté  de  ses  empreintes.  Les  traits  du
               guitariste lui semblèrent familiers.


                   En ce début novembre, la nuit tombait très vite. Vers 16
               heures, dans les lueurs du soleil rasant d’automne, Terry se
               trouvait déjà dans l’école primaire du quartier, un bâtiment
               bas aux façades décorées d’immenses graffitis joyeux – une
               anomalie dans la grisaille des  gravats  et  des  fumées  que
               crachaient  les  poêles  des  appartements  encore  occupés.
               À défaut d’avoir trouvé de quoi manger, elle avait apporté
               son matériel  de  dessin,  ainsi  que  des  outils  pour effectuer
               les  menues  réparations  qui seraient  nécessaires  après les
               secousses de la nuit précédente. Elle entra en ouvrant une
               toile tendue. Toutes les portes avaient été dégondées : cela

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