Page 23 - EXTRAIT ANACALYPSE
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plongé les dormeurs dans un coma dont il était difficile de
               sortir.  Elle  se  faufila  comme  elle  put  au  milieu  des  corps
               enchevêtrés, en prenant soin de ne pas écraser la main d’un
               homme encore endormi, ou de ne pas emporter par mégarde
               le jouet d’une enfant assise par terre, les yeux vides – peut-
               être sous l’emprise de l’anacalypse. Sur le parvis de l’église se
               tenaient deux popes qui semblaient veiller sur leur troupeau.
                   Par  moment,  on entendait  des  accords de  guitare,  qui
               provenaient de l’ombre d’un porche.
                   Les camions de l’aide internationale n’arrivaient pas. Des
               éclats de voix, ici et là, laissaient deviner la rage contenue et les
               disputes en devenir. Du coin de l’œil, Terry vit deux femmes
               se bousculer.
                   « Qu’est-ce qu’ils foutent ?
                   — Un peu de patience ! Avec la réplique de cette nuit, les
               routes ont pu être abîmées.
                   — Et  alors ?  C’est  pas la première  fois,  non, que  ça
               tremble ! Les camions devraient être là depuis deux heures !
               Toujours rien !
                   — Ne vous fâchez pas, madame, ça ne les fera pas arriver
               plus vite…
                   — Oh hé, la grognasse ! Ça se voit que tu dois avoir de
               jolies provisions, toi, vu l’épaisseur de ta graisse ! D’ailleurs,
               qu’est-ce que tu fiches là ? T’as pas un mari qui te nourrit ?
                   — Non, madame, je n’ai plus de mari, Chtonos l’a emporté.
               Et ma graisse, comme vous le dites si élégamment, c’est un
               cancer de la thyroïde. D’ailleurs, si vous pouviez m’indiquer
               une pharmacie ouverte où je puisse trouver des antalgiques, ça
               me rendrait service…
                   — Ah. Heu… je suis désolée. C’est la faim, vous savez,
               c’est  la trouille aussi.  Mes enfants m’attendent  et  la petite
               pleure depuis deux jours…
                   — Je  comprends.  Allez,  venez  là, ne  pleurez  pas vous
               aussi, calmez-vous… »

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