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développés à partir de données que d’autres ont déjà partagées avant moi. Il s’agit alors d’avoir une
réflexion personnelle, savoir si je veux faire partie de cette cohorte qui aide à améliorer cet outil.
En tant que praticien, deux notions interviennent dans votre utilisation de ces outils. Dans un
premier temps, cela dépend de votre maîtrise de ces outils. C’est à vous de connaître les moda-
lités de fonctionnement des technologies que vous utilisez pour soigner les patients. La plupart
reposent aujourd’hui sur des statistiques, et ne peuvent exister et s’améliorer qu’à partir des
données, qui doivent être traitées avec précaution. Le patient qui se présente à votre cabinet a
confiance en vous et dans votre discernement, dans le choix des outils avec lesquels vous traitez
ses données de santé. Il s’agit donc aussi d’éthique personnelle.
Au final, avoir une bonne connaissance de votre métier passe aussi bien par la maîtrise de la
composition des matériaux utilisés en bouche, que d’avoir une bonne connaissance des outils
numériques mis en œuvre.
Effectivement, de plus en plus d’entreprises proposent des services usant d’IA. La question
est : est-ce que tous les outils développés sont indispensables pour augmenter mon intelligence
professionnelle ? Qu’est-ce qui relève du gadget ? Est-ce nécessaire de partager mes données
avec 50 entreprises qui les centralisent aux 4 coins de la planète, selon des législations et des
préoccupations éthiques inégales.
Depuis notre dernière rencontre, la pandémie du Sars-Cov2 a entrainé plusieurs confine-
ments, en France et à dans le monde entier. Pensez-vous que de nouveaux enjeux soient
nés de cette période ? Les priorités sont-elles redistribuées parmi les domaines en expan-
sion (santé, énergie/écologie, transport…) ?
Pendant cette période l’être humain a su se montrer solidaire et reconnaître la nécessité de mettre
en avant certains domaines, comme la santé et l’écologie.
Cette crise sanitaire nous a permis de nous rendre compte que nous n’étions pas si bons au
niveau mondial et que l’IA que nous avions créée n’était pas si efficiente dans la gestion et la
prédiction de cette pandémie. Au final, cela ne provient pas réellement d’un manque de compé-
tences des ingénieurs, mais plutôt du fait que nous n’avons tout simplement pas su collecter les
données, ou du moins les bonnes données, pour programmer des modélisations utiles. Quand
nous regardons, quelques pays comme la Corée du Sud ou Taïwan, qui avaient déjà connu le
Sars en 2003 et le MERS en 2013, ils avaient dès cette époque organisé la récolte de données
environnementales et provenant des gens pour anticiper les outils nécessaires à la gestion d’une
nouvelle pandémie comme celle-ci. Bien sûr, cela pose encore et toujours la question de l’équi-
libre entre loi liberticide et enjeu de santé publique pour la constitution de ces bases de données.
Cependant, jusqu’à présent ce travail a montré une meilleure capacité à construire un modèle
prédictif et à développer extrêmement rapidement une application efficace. Mais sans les bonnes
données, même les outils les plus puissants seront inefficaces. Espérons que cet épisode nous
permettra de réaliser que la prochaine fois, car il y en aura une, il faudra accepter en conscience,
de collecter et fournir nos données pour être bien soignés, et aider à contenir l’épidémie rapide-
ment. Dans un pays comme la France qui bénéficie d’un système de santé extraordinaire pour
la prise en charge des gens, mais qui impose une centralisation des données administratives et
médicales, cela peut faire peur. A contrario, une centralisation de la recherche aurait pu aider à
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