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développer plus de puissance statistique. Ces équilibres entre sécurité de la vie privée et promo-
                  tion de la santé, mais aussi entre centralisation et indépendance de la recherche, sont sensibles
                  et compliqués à définir.


                  Selon vous, quels sont les enjeux de l’explosion  de ces  outils comme  par exemple  le
                  « Machine » et le « Deep Learning », le « Big Data », et l’« IoT » (Internet of Things : Internet
                  des objets), etc. ?
                  L’accroissement encore et toujours du Big Data pousse à des absurdités, comme la diffusion
                  de « fake news » et autres conséquences issues au final de nos « non-choix ». Par facilité, les
                  données sont collectées, centralisées et utilisées sans discrimination ni hiérarchisation et pour
                  ceci, de plus en plus de Data center sont construits. Ce sont de réelles aberrations écologiques
                  (60 % de l’énergie consommée par ces data center sert à refroidir les serveurs).
                  L’espoir technique réside selon moi dans la décentralisation du traitement des données, appelée
                  « edge computing », qui permettrait directement d’appliquer les IA là où se trouvent les données.
                  IoT permettrait de rapprocher les données personnelles de leur analyse, ce qui résoudrait à la fois
                  les problématiques écologiques de transport et de stockage, mais aussi de sécurité des données
                  personnelles.  Dans le monde de la santé en particulier, il s’agirait de mesures de variables
                  physiques, par des puces ou par des objets connectés à un réseau local ou entre eux, et non au
                  cloud. Il reste le problème de l’efficacité des systèmes. Si statistiquement il est admis que le résul-
                  tat d’un système entrainé sur dix millions de données plutôt que sur un million sera sensiblement
                  identique, la réduction significative du nombre de données implique moins de pertinence. L’IA à la
                  différence de nous ne peut pas innover, et n’a pas réussi par ces forces brutes à sélectionner les
                  données pertinentes. La seule entité qui sera capable de trier de manière raisonnée les données
                  suffisantes et nécessaires à résoudre ces challenges, c’est l’être humain, car c’est peut-être dans
                  le biais de mon algorithme que résidait la vérité. Il reste de grands progrès à faire dans la compré-
                  hension de la biologie et notamment du cerveau humain.


                  Enfin, les praticiens de la sphère buccale sont souvent associés à la fois à des ingénieurs
                  (pour la conception et l’usage des biomatériaux), à des artistes (pour l’individualisation
                  et l’harmonisation des traitements du sourire et du visage) et des techniciens (pour les
                  capacités manuelles nécessaires à la mise en œuvre de nos outils). Selon vous, quelles
                  nouvelles compétences doivent acquérir le chirurgien-dentiste, l’orthodontiste ou le chirur-
                  gien de la face, pour devenir un praticien augmenté, en toute sécurité pour ses patients ?

                  Au cours du temps, les praticiens acquièrent de nouvelles compétences techniques et un nouveau
                  savoir-faire (conception et fabrication assistée par ordinateur…). Dès lors que le praticien béné-
                  ficie d’un service assisté par IA, sa compréhension des systèmes doit permettre un choix éclairé
                  de son équipement. Si aujourd’hui tout le monde utilise le Deep Learning c’est peut-être que c’est
                  trop « facile », et que cela pousse à développer des outils de plus en plus inutiles à l’aide d’un
                  bazooka (la force brute), alors que vos pratiques bénéficieraient d’une réelle mutation à moindre
                  coût par des outils de la finesse technologique d’un scalpel.

                  Les compétences indispensables à une utilisation clinique sereine et sûre des algorithmes et des
                  objets en dépendant, sont celles à acquérir lors de la formation du praticien du futur.
                  Dans un premier temps, une formation purement philosophique sur l’éthique, non pas médicale,
                  mais de prise en compte de la responsabilité du médecin dans le choix des systèmes qu’il utilisera

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