Page 9 - Trans-Num-V1
P. 9
Préface
Entretien avec Luc Julia, scientifique d’origine toulousaine, co-créateur de l’assistant
vocal Siri, et l’un des plus grands spécialistes mondiaux de l’intelligence artificielle (IA).
Aujourd’hui vice-président inno vation chez Samsung monde, il travaille entre la Californie
et Paris où il dirige son laboratoire d’IA.
Propos recueillis par Camille Lacaule
Tous les domaines de notre vie sont impactés par de nouvelles technologies, qui se diffusent
souvent plus vite que leur compréhension et leur réglementation. Parmi ces nouveaux outils,
l’intelligence artificielle est sur toutes les lèvres, parfois présentée comme la solution universelle,
parfois source d’inquiétude. Lorsque le Dr Makaremi m’a convié à collaborer au projet de cet
ouvrage qu’il entreprenait, il a paru rapidement nécessaire d’introduire ce travail en évoquant cette
question sensible de l’impact et l’avenir de l’IA dans notre future vie notamment professionnelle.
C’est dans ce contexte que, dans le monde d’avant, vous avez accepté de me recevoir
Luc Julia. Vous êtes chercheur français, notamment co-inventeur de l’assistant vocal Siri,
directeur du Laboratoire d’intelligence artificielle de Samsung (SAIL), et auteur du livre
L’intelligence artificielle n’existe pas . Qu’est-ce qui a motivé l’écriture de ce livre ?
[1]
Depuis quelques années, l’intelligence artificielle est extrêmement à la mode. Tout le monde en
parle, et le thème fait la une des journaux papiers comme télévisés, en annonçant qu’elle va
tous nous remplacer, remplacer nos métiers et nous rendre esclaves de ces technologies. Cette
vision qui relève des films de science-fiction, selon moi, est inutilement alarmiste. C’est donc la
volonté de partager mon expérience de 30 ans sur ce qu’est la vraie intelligence artificielle, qui
me motive à écrire des livres, à communiquer sur le sujet. Pour commencer, il faut parler DES
intelligences artificielles. Car l’intelligence artificielle est en réalité une boîte à outils, dans laquelle
chacune de ces intelligences artificielles va constituer un outil hyper puissant dans un domaine
particulier. Par définition, l’outil est créé et surtout utilisé parce qu’il permet de mieux réaliser une
tâche. Lorsqu’il faut planter un clou, nous savons tous que le marteau sera plus efficace que notre
poing, mais il n’en reste pas moins que nous tenons le manche du marteau. Ces intelligences
artificielles peuvent donc être des outils extraordinaires en réalisant une multitude de tâches rela-
tivement simples, mais toutes les tâches ne peuvent pas être remplacées. Cependant, il est de
notre responsabilité d’utiliser l’outil à bon ou à mauvais escient. D’où l’importance d’une bonne
régulation et compréhension de l’outil. En général, le régulateur est en retard le temps que l’inno-
vation se diffuse, mais il y a déjà un cadre qui a le mérite d’exister en Europe.
Pourtant, l’horizon d’une IA forte peut faire peur, cette ère est-elle en route ? Existe-t-il des
solutions pour éviter ou contrôler ces risques régulièrement évoqués ?
La diversité de toutes les fonctionnalités qu’offrent ces intelligences artificielles est certes considé-
rable, mais très loin d’être aussi plurielle que notre propre cerveau, notre propre intelligence. Ces
outils sont issus des mathématiques, ce sont donc des éléments discrets. Même s’ils exécutent
9
18/03/2021 17:46
Trans_Num.indd 9
Trans_Num.indd 9 18/03/2021 17:46