Page 5 - Fly Tox
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Fly Tox
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Mais je suis peut-être un peu trop injuste avec elle. Parfois, des galettes de pommes de terre moelleuses ou une fricassée d’artichauts goûteuse viennent sauver la mise. Mais c’est vraiment rare, pour ne pas dire rarissime (est-ce que rarissimétisimal existe ?) En tout cas, je ne me souviens pas d’avoir vu quelqu’un – excepté NanNan et ses haut-le-cœur réprimés – prendre le risque de se laisser inviter chez m’ma. De toute manière, m’ma n’invite jamais personne, et de ce fait, n’est jamais invitée en retour. Logique implacable de sa solitude circulaire. P’pa lui-même espace de plus en plus ses visites. Il ne revient plus tous les week-ends. Son travail à Paris lui prend un temps dingue qu’il dit au téléphone. Moi je parie qu’il a trouvé une bien meilleure tablée, ce qui, à mon avis, n’est vraiment pas chose difficile à trouver.
Ça fait trois semaines que j’ai pas vu p’pa. Pourquoi est-il parti aussi longtemps ? Il me manque.
Au menu, ce soir: pommes de terre sautées, bacon et cheddar fondu. Menu frugal. Et diététique comparé au menu de la veille. Je regarde les trois, quatre patates qui se battent en duel dans mon assiette à steak. C’est drôle. On dirait des baraquements isolés sur une immense plaine vierge ou des îles cubiques entourées d’une mer de graillons.
- M’ma, il ne resterait pas quelques feuilles de pissenlits dans le frigo, tu sais, celles que j’ai cueillies hier après-midi ?
M’ma continue à manger sans lever les yeux. Le gras dépose sur ses lèvres un effet gloss d’une extraordinaire vulgarité.