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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !


                  Des rivières cérébrales


                  La théorie réticulaire
                    Il y a des routes commerciales dans le cerveau, et elles ont leurs
                  emplacements stratégiques : l’aire de reconnaissance visuelle des
                  mots est située au carrefour des aires visuelle et auditive ; quant à
                  l’aire de Wernicke, elle se trouve entre le cortex temporal, pariétal
                  et la route qui mène au frontal (un peu comme Bâle se situe entre
                  la Suisse, la France et l’Allemagne).
                    Or si le cerveau est un monde, il est aussi traversé de ces grands
                  axes hydrographiques que sont les faisceaux de substance blanche
                  reliant les neurones entre eux. Il existe d’ailleurs une technique
                  d’imagerie cérébrale qui permet de les suivre : l’imagerie par ten‑
                  seur de diffusion, ou tractographie, qui identifie les fils d’eau salée
                    parcourant le cerveau, et grâce auxquels les neurones se connectent
                  les uns aux autres. Tout se passe comme si le cerveau était parcouru
                  de fleuves, dont la plupart sont fixés peu après la naissance, mais
                  dont les cours peuvent se réarranger pour former de nouvelles cartes.
                    Les deux pères fondateurs des neurosciences modernes, Santiago
                  Ramón y Cajal et Camillo Golgi, reçurent ensemble, en 1906, le prix
                  Nobel de physiologie ou médecine pour leurs travaux sur l’histo‑
                  logie du cerveau. Ils avaient pourtant une vision opposée de son
                  organisation. Ramón y Cajal défendait la théorie dite « cellulaire »,
                  selon laquelle le cerveau est composé de cellules cloisonnées, indé‑
                  pendantes, que l’on appelle aujourd’hui « neurones » et « cellules
                  gliales ». Ces cellules communiquent en général par des jonctions
                  chimiques ou électriques, que l’on appelle « synapses ». Golgi, lui,
                  défendait la théorie dite « réticulaire » du cerveau, selon laquelle
                  il aurait formé un continuum liquide sans interruptions membra‑
                  naires, tissu appelé « syncytium » – et structure d’autant plus pro‑
                  bable qu’elle forme déjà les fibres de nos muscles squelettiques.
                    Si l’on considère aujourd’hui que Golgi avait tort, sa théorie
                  demeure toutefois une belle image pour la compréhension du cer‑
                  veau : on peut, en effet, le voir comme un monde parcouru de
                  rivières. À chaque compétence reproductible – jouer du piano,
                  descendre une piste en ski de bosses, conduire, chanter, résoudre


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