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QUI EST VOTRE CERVEAU ?
                  mouvements basiques ne nécessite pas un cortex a priori, a évolué
                  pour former le cerveau. Cerveau et moelle épinière sont intrinsè‑
                  quement des systèmes de mouvement, et la pensée, comme Henri
                  Bergson l’avait spéculé, est aussi une forme de mouvement. Nous
                  avons vu que le cerveau pouvait recruter des services neuronaux
                  d’origine cérébelleuse pour effectuer un calcul mental. Or ce prin‑
                  cipe est général : la pensée abstraite est issue de cellules dont le rôle
                  tourne autour du mouvement. Notre cerveau est conçu pour l’action.
                    Les plantes n’ont pas de cerveau mais cela ne veut pas dire
                  qu’elles n’ont pas de cognition. Tout ce qui vit possède une
                  cognition, et comme l’écrivait le psychologue américain William
                  James  : « Des créatures très basses dans l’échelle intellectuelle
                  pourraient bien être capables de conception, il suffit pour cela
                  qu’elles soient capables de reconnaître la même expérience. Un
                  polype pourrait bien être un penseur conceptuel, si le sentiment
                  de “hé salut machin‑ truc que j’ai déjà vu avant” apparaît dans son
                  esprit. » Notre système immunitaire, par exemple, est un penseur
                  conceptuel au sens donné par James, parce qu’il sait reconnaître
                  des pathogènes qu’il a déjà vus. Si nous pouvions l’entraîner à un
                  changement de paradigme cognitif, pour qu’il comprenne que les
                  pathogènes de la grippe ou du sida – qui changent trop vite pour
                  sa compréhension – sont en fait un seul pathogène, nous pourrions
                  guérir de ces infections. Mais en termes d’éducation immunitaire, il
                  nous reste beaucoup à apprendre, et là aussi, l’ergonomie cognitive
                  est un domaine ouvert.
                    Les plantes ont une cognition beaucoup plus avancée que nous
                  l’avons longtemps cru (dans notre arrogance toute humaine…).
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                  Mais elles n’ont pas de neurones . Nous, en revanche, sommes
                  innervés parce que nous devons chercher activement notre nourri‑
                  ture, et fuir des organismes qui nous cherchent activement comme
                  nourriture. Notre pensée vient du mouvement, elle est un mou‑
                  vement. Nos neurones ont d’abord servi à définir une kinésphère
                  – un ensemble de mouvements possibles – puis une noosphère
                  – un ensemble de pensées possibles –, et cette noosphère nous est
                  encore largement inconnue.


                    1.  Les plantes carnivores, cependant, qui coordonnent des mouvements pour cap‑
                  turer des insectes, sont dotées de cellules de plus en plus comparables à nos neurones.

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