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LA NEUROERgONOMIE POUR L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE


                  Transférer de l’information,
                  créer du savoir


                    L’information et le savoir ne sont pas la même chose. L’infor‑
                  mation est ponctuelle, le savoir est reproductible. Si un homme
                  détient, un jour, l’information selon laquelle il se trouve une ville
                  après tant de kilomètres de forêt, à une époque différente, cette
                  information ne sera plus forcément vérifiée. En revanche, si un
                  homme sait faire du feu, il le saura à toute époque.
                    La limite entre information et connaissance n’est pas toujours
                  distincte. Prenons l’exemple du siège d’Alesia : savoir qu’il existe
                  une faille dans la fortification de César, par laquelle des cavaliers
                  pourraient échapper au siège, relève de l’information : savoir com‑
                  ment les Romains établissent leurs fortifications, en général, relève
                  de la connaissance ; mais comme il n’y a plus d’armée romaine
                  aujourd’hui, cette connaissance ne résiste pas au temps.
                    La différence fondamentale entre la connaissance et l’informa‑
                  tion tient donc à ce que la connaissance, elle, est reproductible. Les
                  services d’espionnage, en général, se spécialisent davantage dans
                  l’information que dans la connaissance. Quand Richard Sorge, qui
                  est considéré à raison comme le plus grand espion militaire de tous
                  les temps, informa Staline que le Japon n’entrerait pas en guerre
                  contre lui avant la chute de Moscou, il lui transmit une informa‑
                  tion, car non reproductible. La connaissance, qui relève de l’expé‑
                  rimentation dans le sens général du terme, appelle l’action – une
                  action aussi bien intellectuelle dans le cas des mathématiques que
                  physique dans les autres domaines. La connaissance, enfin, est une
                  affaire de cognition. Elle relève de ce qui est cognitif, donc vivant,
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                  et dépasse actuellement les ordinateurs .
                    Une infrastructure de l’information relève de la communication
                  d’ordinateur à ordinateur, comme la fibre optique, par exemple. Une
                  infrastructure de la connaissance, elle, relève du cerveau humain.
                  Elle est profondément différente. Quand un nouveau modèle de
                  montre connectée télécharge plus d’éléments par seconde, il le fait


                    1.  Mais  sachant  que  les  algorithmes  génétiques  sont  capables  de  la  manipuler, ce
                  que j’écris ici est appelé à ne plus être vérifié dans un avenir assez proche.

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