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LA NEUROERgONOMIE POUR L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE


                  La loi de Soudoplatoff


                    L’économie de la connaissance, au fond, est la plus ancienne
                  des économies. L’être humain échangeait des connaissances bien
                  avant d’échanger des outils, des plantes ou des biens, d’inventer
                  l’agriculture, le troc ou la monnaie. Aujourd’hui, la société la plus
                  riche au monde, Apple, vend essentiellement de la connaissance ;
                  et Bagdad, du temps où elle vendait de la connaissance au monde,
                  s’en sortait infiniment mieux que lorsqu’elle se mit à vendre du
                  pétrole. De même, la Corée du Sud exporte bien plus que toute la
                  Fédération de Russie aujourd’hui, alors qu’elle n’a aucune matière
                  première à vendre. L’intérêt de l’économie de la connaissance, c’est
                  que le savoir potentiel est infini. Tout ce qui est matériel est fini,
                  mais le savoir potentiel est infini, étant immatériel. On ne peut
                  avoir de croissance infinie dans le monde matériel, qui est fini ;
                  dans le monde immatériel, si. C’est le principe de « non‑ rivalité
                  des biens immatériels », ou, en entreprise, « loi de Soudoplatoff »,
                  d’après le cartographe Serge Soudoplatoff, qui l’a formulée chez
                  IBM en 1984 : « Quand on partage un bien matériel, on le divise,
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                  quand on partage un bien immatériel on le multiplie . » La valeur
                  d’un livre n’est pas dans son papier mais dans ses lettres.
                    J’ai publié des règles simples pour rendre accessible l’économie
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                  de la connaissance , et en particulier deux de ses propriétés fon‑
                  damentales.
                    Premièrement, la connaissance est prolifique. Comme les lapins,
                  elle se reproduit vite, et sa quantité mondiale double rapidement
                  –  environ tous les sept ans en quantité, mais pas en qualité,
                    c’est‑ à‑ dire seulement quand on compte tous les problèmes  résolus
                  dans toutes les disciplines.
                    Deuxièmement, la connaissance est collégiale ; la vérité est un
                  miroir brisé dont chacun possède un petit morceau. Comme nous


                    1.  Il s’agit au fond d’une sagesse ancienne, formulée par exemple dans la tradition
                  orale d’Amadou Hampatê Bâ : « Le savoir est la seule richesse que l’on puisse entière‑
                  ment dépenser sans en rien la diminuer. »
                    2.  I.  J. Aberkane,  Économie de la Connaissance, Fondapol, 2015. Également « A
                  simple paradigm for nooconomics, the economy of knowledge, Springer lecture notes
                  on Complexity », août 2016.

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