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La Tribune des travailleurs - No259 - Mercredi 7 octobre 2020
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MAGAZINE
À VOIR
Les théâtres rouvrent leurs portes
Représentation d’Et le cœur fume encore © Photo Loïc Nys
Après des mois de fermeture, à Paris comme en province, les théâtres rouvrent leurs portes. Les programmations de cet automne, riches et variées, sont à même de séduire tous les publics. D’ores et déjà, on peut noter sur l’agenda...
Et le cœur fume encore
Sept personnages reconstituent les évé- nements de l’Algérie de 1955 à 2006. À partir de la collecte de documents, de témoignages, d’archives historiques et de textes littéraires, Margaux Eskenazi et Alice Carré ont conçu ce spectacle qui invite le spectateur à s’immer- ger dans l’histoire de la guerre d’Algérie et de ses non-dits. Des extraits de textes d’Assia Djebar, Edouard Glissant, Jérôme Lindon et Kateb Yacine jalonnent la représentation. Pas- sant de l’intime au politique, les comédiens de la Compagnie Nova interprètent leurs per- sonnages avec une remarquable générosité. Rythmé, émouvant, parfois drôle, Et le cœur fume encore avait été salué par la critique au Festival d’Avignon en 2019.
(Du 30 septembre au 11 octobre au théâtre Gérard-Philipe, à Saint-Denis ; le 15 octobre à Clichy-sous-Bois, le 17 à Tremblay-en- France ; le 4 novembre au théâtre de Corbeil-Essonnes et en tournée à Villeurbanne, Reims, Thionville, Dijon...)
Par Michel Senotier
À l’abordage !
Clément Poirée, directeur de La Tempête, avait demandé à l’écrivaine Emmanuelle Bayamack-Tam une réécriture du Triomphe de l’amour, de Marivaux. La pièce, dans une langue résolument contemporaine, met en scène des personnages animés par le désir. Sasha les séduit tous. Mais, au bout du compte, l’amour triomphe-t-il réellement ? N’est-il qu’une utopie ? Portée par une troupe de jeunes comédiens virtuoses, À l’abordage ! est une comédie audacieuse et jubilatoire. (Jusqu’au 18 octobre, au théâtre de La Tempête-Cartoucherie de Vincennes)
Crise de nerfs
Trois farces de Tchekhov
Grand connaisseur d’Anton Tchekhov, le metteur en scène Peter Stein propose trois des
pièces courtes du dramaturge russe : Le Chant du cygne, Les Méfaits du tabac et Une demande en mariage. Le spectacle permet de découvrir que l’auteur de La Mouette et de La Cerisaie excellait aussi dans la dimension farcesque du théâtre. Le metteur en scène a fait appel à un comédien renommé, Jacques Weber, qui incarnera tour à tour un vieil acteur se réveillant dans un théâtre vide après des abus d’alcool, un conférencier, un père désireux de marier sa fille.
(Jusqu’au 20 novembre, au théâtre de l’Atelier, Paris 18e)
Orange, la dernière bataille
PArte, vendredi 9 octobre 2020, 9 h 25
armi les effarants méfaits écolo- giques du capitalisme, à coup sûr il faut compter les destructions organisées par celui-ci lors des
guerres qu’il crée et recrée sans cesse.
Ce reportage, réalisé par Alan Adelson et Kate Taverna, nous replonge dans le passé terrifiant de la guerre du Vietnam, mais aussi dans les ravages « en temps de paix » réalisés par l’industrie agro- chimique, au nom du sacro-saint profit,
moteur de l’économie capitaliste.
Ce sont des millions de litres d’« agent orange » (défoliant) qui ont été déver- sés par l’impérialisme américain, dans le cadre de l’opération dite Ranch Hand (1962-1971). À l’origine de malformations effroyables, qui se transmettent de généra- tion en génération, ce produit, qui contient de la dioxine, a détruit plus de 20 % de la forêt vietnamienne. Enfoui hypocritement ensuite, ça et là de par le monde, il conti- nue son action délétère sur les sous-sols et
l’alimentation animale.
Dow Chemical, en 1983, fabriquait
encore des dizaines d’herbicides conte- nant de la dioxine. Tran To Nga, ancienne journaliste, victime elle-même des défo- liants répandus dans la jungle, a assigné en justice, avec d’autres, vingt-six fabricants américains (dont Monsanto). C’est l’objet de ce reportage hallucinant.
À ce jour, l’autre composant de l’« agent orange », le « 2 ,4-D » est encore largement utilisé. n
Didier Prat
Critique non autorisée du jargon mensonger
Notre capital humain
os ouvriers, nos employés, nos... Ô ministres posses- sifs ! Comme vos maîtres vous ont bien enseigné le
caractère sacré des titres de pro- priété privée sur les biens et les personnes ! Et sur le pays.
Vous marchez donc fièrement à la tête d’un capital considérable de billets, d’actions, d’usines, d’hommes, de femmes, de lingots, de valeurs diverses que vous pou- vez accumuler, vendre, échanger.
Pour vous, la France est d’abord un capital, en effet. Une partie de ce capital est cotée en Bourse ; l’autre, l’humaine, circule sur le marché du travail. Mais alors là, contrairement aux autres valeurs, le premier objectif que vous fixez à votre action, c’est d’en faire baisser le prix. Le coût du travail est, pour vous et vos mentors, toujours trop élevé.
Car la force de travail repré- sente, pour le capital, l’intérêt essentiel. Ce que le capitaliste doit la payer, c’est l’enjeu d’un rapport des forces. n
Fabrice Toscan
À LIRE
Ce livre se lit comme une enquête dont l’objectif est de découvrir le support matériel de l’unité élémentaire de l’hé- rédité et de l’information biologique : le
gène. C’est sur la base de nombreuses expé- riences que celui-ci a été défini dès 1909, mais sa nature physique demeurait néanmoins mystérieuse. Ce n’est qu’une quarantaine d’années plus tard que les scientifiques com- prirent que la molécule d’ADN était ce sup- port matériel. De même qu’en physique, entre l’hypothèse atomiste antique et la validation définitive de l’existence réelle des atomes par l’attribution du prix Nobel de physique à Jean Perrin en 1926, les controverses furent éga- lement féroces concernant cette découverte fondamentale de la génétique.
C’est en mêlant histoire, enquête fami- liale sur l’origine de la schizophrénie de plusieurs membres de sa famille et explica-
tions pédagogiques que l’auteur nous entraîne à la décou- verte de cette science. La lecture de ce livre est passionnante. Les anecdotes, les faits historiques mémo- rables, et le portrait des figures embléma- tiques de l’histoire de la génétique permet- tront de comprendre plus facilement cette
science difficile pour le profane. Du moine Gregor Johann Mendel qui débuta au début des années 1850 ses expériences d’hybri- dation (1) sur des souris, des fleurs puis des pois, jusqu’à la fin des années 1990 qui vit le lancement du projet génome humain et l’avè- nement de la thérapie génique, on assiste progressivement à l’évolution des idées et à la compréhension des lois de l’hérédité et de la reproduction. Plusieurs chapitres consacrés à l’eugénisme (2) sont également très éclai- rants du point de vue historique. On décou- vrira en particulier comment l’eugénisme des nazis s’est inspiré du programme eugénique américain. Le programme de stérilisation contrainte conçu par les nazis a été en effet en partie inspiré par celui que la Californie a réalisé en 1933. Et la Fondation Rockefel- ler a permis de développer et de financer le programme eugénique allemand, dont celui pour lequel travaillait Josef Mengele avant qu’il n’aille exercer ses sinistres « expérimen-
Il était une fois le gène - Percer le secret de la vie
Récit historico-scientifique de Siddhartha Mukherjee
Extraits
« À la fin du XVIIIe siècle, l’histoire naturelle [était] dominée par des hommes d’Église (...). L’Église offrait un havre de tranquillité pour ces scientifiques, mais dans le même temps, elle neutralisait efficacement leur curiosité. (...) L’histoire naturelle se bornait à l’étude de la nature sans l’histoire. C’était ce point de vue sta- tique sur la nature qui troublait Darwin. Un historien de la nature, pensait Darwin, devait être capable de décrire l’état du monde naturel en termes de causes et d’effets, tout comme un physicien peut décrire le mouvement d’un ballon dans l’air. Au cœur du génie révolutionnaire de Darwin, il y avait sa capacité à penser la nature non comme un fait isolé mais comme un processus, une progression, une histoire. »
tations » à Auschwitz.
Éditions Flammarion Parution : juillet 2020. 12 euros ; 672 pages.
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Hervé Chuberre
(1) Croisement entre deux variétés d’une même espèce ou entre deux espèces différentes.
(2) Théorie cherchant à opérer une sélection sur les collectivités humaines à partir des lois de la génétique (Larousse).
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