Page 23 - Lux in Nocte 14
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Rameau et Debussy
Notons d’une part, telle une introduction à la lecture
iconographique de l’ensemble, la représentation de son
attachement à la culture française par la couleur blanche qui met
en honneur Rameau et Debussy. Par ce pétale blanc, Chagall
rendit d’abord hommage au talent de l’architecte Charles
Garnier avec la représentation de son palais d’une intense
couleur rouge. Il prit soin d’y faire figurer la sculpture de Jean-
Baptiste Carpeaux dans une taille monumentale, La Danse, qui
fut sujette au scandale lors de son inauguration. Il fit de plus
référence ici au commanditaire du programme iconographique
qui marqua sa carrière, André Malraux, identifiable derrière une
fenêtre aux nuances bleues.
La représentation de Rameau et Debussy intervient sur un fond symbolique rappelant le drapeau
français, dont les noms sont marqués auprès des dorures du plafond pour plus de clarté. Si Chagall a
représenté clairement dans une dominante de bleu un des tableaux les plus connus du drame lyrique
de Claude Debussy, Pelléas et Mélisande, il semble cependant qu’il eut préféré faire l’impasse sur une
représentation plus précise de l’œuvre de Jean-Philippe Rameau. Ce pétale blanc est enfin couronné
d’un ange jaune, tenant dans ses mains un magnifique bouquet de fleurs. Cette figure me parut d’un
intérêt crucial car elle peut être comprise selon différents angles. Figurée telle une allégorie du jour,
elle pourrait évoquer un clin d’œil à l’œuvre de Jules-Eugène Lenepveu, dissimulée sous les toiles de
Chagall.
Cet ange, accompagné par des fleurs aux couleurs diverses minutieusement représentées et évocatrices
des œuvres dont elles furent l’origine, peut-être aussi compris comme une allusion aux grands noms
du monde lyrique. Enfin, remarquons que ce motif assez fréquent dans les compositions du peintre,
pourra nous rappeler sa personnalité artistique.
Wagner et Berlioz
Le pétale vert rend à son tour, hommage aux œuvres
lyriques des virtuoses Richard Wagner et Hector Berlioz.
Chagall fit d’importantes allusions à la ville de Paris en
associant Tristan et Isolde, opéra de Wagner, à l’Arc de
Triomphe animé de rouge et de la place de la Concorde
qui se détache plus loin. Ces thèmes sont relativement
chers à ses yeux, dans la mesure où il affirma un jour :
« Mon art a besoin de Paris comme un arbre a besoin
d’eau ». Après l’honneur réservé à Wagner, Marc Chagall
laissa son pinceau donner vie à Roméo et Juliette, symphonie
dramatique d’Hector Berlioz réalisée d’après la tragédie
homonyme de William Shakespeare. Les visages des deux
amants interdits se retrouvent gravés au cœur d’un médaillon de gloire, et tendrement enlacé le couple
est mêlé à une tête de cheval autour duquel vole un oiseau blanc, prêt à se poser dans les branches
d’un arbre verdoyant.
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