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Tout en étendant violemment son empire, Rome accorda la citoyenneté à tous ses
               résidents libres, blancs ou non, et permit à tout un chacun de pratiquer librement sa
               religion.  Là  où  l’Antiquité  nous  avertit  sur  nos  vices,  elle  dispense  aussi  une
               formidable leçon de tolérance et d’humanité. Parce que l’humanité n’a pas changé
               depuis,  il  serait  trop  facile  de  nous  croire  supérieurs  moralement.  Depuis  des
               décennies les historiens médiévistes travaillent à démontrer que le Moyen-Âge n’est
               pas « moyenâgeux ».












               Si nous, antiquisants, devons œuvrer au même travail pour notre période, alors nous
               le ferons. Il faut enseigner la diversité de l’Antiquité, sa richesse et sa complexité de
               manière raisonnée, sans l’aduler systématiquement car effectivement, elle n’est pas
               irréprochable. D’ailleurs, notre présent non plus ; il n’en est qu’un reflet modernisé.
               Qui plus est, il faut cesser de croire qu’étudier une période revient à la cautionner
               systématiquement dans son intégralité. En tant que spécialiste de la Mésopotamie
               antique, je n’approuve pas la violence des Assyriens ou la place des femmes et des
               enfants dans le monde mésopotamien. Mais l’étude de ces sociétés n’en est pas moins
               intéressante pour nous, à une époque où nous nous battons pour l’émancipation,
               l’égalité ou même contre le changement climatique. Ce même changement climatique
               qui fit des ravages dans les sociétés antiques -preuve qu’au contraire, il n’y a peut-être
               pas assez d’histoire ancienne dans les programmes ?
               Faire  une  croix  sur  une  période  historique  ne  résout  aucun  problème,  bien  au
               contraire. Détruire l’Antiquité, c’est détruire par la même occasion une partie de
               nous-même, une partie de nos sociétés et de nos communautés. C’est refuser de voir
               l’humanité telle qu’elle est.
               Ne tombons pas dans les mêmes travers que par le passé : étudions, enseignons,
               critiquons, mais n’effaçons jamais.


               Président, à H Comme Histoire et M2 Histoire, à Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne




                                                                                                 VRPPDLUH
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