Page 110 - Le grimoire de Catherine
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BELLISSIMA
Ce jour-là, une grande réunion devait avoir lieu. Le moment était venu de se répartir le
temps. Les chamailleries saisonnières commençaient à agacer en haut lieu. Tantôt l’été
se prélassait, tandis que l’automne faisait les cent pas, impatient de prendre la relève.
L’hiver n’en faisait qu’à sa tête, personne n’osait l’approcher de peur d’être gelé sur
place. Quant au printemps, il se montrait, comme à son habitude, toujours aussi
hésitant.
Une rencontre d’une telle importance ne pouvait se réaliser n’importe où. Il fallait
choisir le bon endroit, une forêt agrémentée d’une rivière car il est bien connu de tous
que, depuis toujours, les phénomènes importants se produisent toujours en ces lieux.
Le secret devait être bien gardé afin que fées et farfadets ne viennent pas perturber ce
moment privilégié.
Ainsi la forêt sacrée de la Source Bleue avait été choisie. Ses eucalyptus centenaires
formaient de leurs bras de géants une voûte d’où émanaient des bouffées d’effluves
capiteux tandis que jacinthes et iris jalonnaient le petit sentier serpentant jusqu’à la
rivière.
Ses oiseaux libéraient des slaves de triolets échappés du grimoire de l’abbé Vivaldi, qui
ne s’enivrait pas que de cantiques. Ils devaient être au moins vingt-et-un pour réussir
un tel concerto, à la gloire des saisons.
La nuit tombait, la forêt se nimbait d’un voile de brouillard. C’est alors qu’émargea un
drôle d’engin tiré par quatre lipitzans fringants. Le Grand Maître du Climat arrivait en
diligence.
- « Mon nom est, non pas, Personne, comme l’avait indiqué le rusé Ulysse, mais cela
vous importe peu, il vous suffit de savoir que je côtoie Zeus, Mars et Mercure. J’ai pour
auguste mission de calmer le jeu entre tous ces antagonistes qui perturbent le calme
olympien par leurs querelles récurrentes. Impossible d’entendre sonner le moindre
violon ! »
Printemps et Automne s’étaient entendu pour tenir le rôle de modérateurs entre le
rayonnant Eté et le brutal Hiver. Leurs échanges étaient des plus cordiaux, l’un offrait
son bouquet de violettes contre une lampée de vin nouveau.
Le rossignol baissait d’un ton pour écouter le pinson, tandis que la grive musicienne
taquinait le merle noir.
- « Où se trouve ce fossile ? Que j’en finisse avec lui ! Lui qui détruit tout, qui ne sait me
mettre que les ramures de mes arbres chéris en fagots, qui chamboule routes et ponts,
amoncelle nuages et tempêtes. Moi, Eté, le grand rayonnant je ne vais pas me laisser
malmener par ce rustre Hiver »
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