Page 58 - Le grimoire de Catherine
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Bouleversant son quotidien, la voilà partie. Point de muguet, le cheval l’avait piétiné en
              cherchant dans le champ de trèfles voisin, celui qui aurait eu quatre feuilles. Il en avait
              perdu ses fers. Il ne lui restait plus comme unique ressource que de trouver un jeu de
              cartes  afin  d’y  dénicher  le  7  réfugié  dans  la  carte  porte  –bonheur  espérée  par  tout
              joueur, le fameux7 de trèfle ! Elle avait oublié que Monsieur Lewis Carroll l’avait déjà
              emprunté. Elle recula.

              Entrer dans le terrier d’Alice était trop dangereux, maintenant qu’elle était seule, ayant
              perdu  son compère.

              Retrouver le bonheur n’était décidément pas à sa portée, Elle devait se débarrasser de
              la nostalgie du temps passé, doucement à pas feutrés !
              Il avait entre les mains, ce fichu sentiment  de  perte, le pouvoir de l’enserrer  tel un
              serpent  étouffant tout espoir d’une vie en couleurs. N’y aurait- il plus rien de lumineux
              dans le présent ?

              Elle  ne pouvait  se résoudre à vivre dans  le banal. Où se ressourcer ? Elle se mit à
              lire, lire et relire. Pas l’ombre d’un petit  bonheur en vue. Même les  leçons des  « vieux
              grecs » ne lui étaient d’aucun secours.

              Et  si  elle  essayait  la  musique !  Celle  qui  porte  les  messages    de  paix  pour  toute
              l’humanité et de  fraternité entre les peuples. Elle se mit alors  à écouter à tue-tête l’Ode
              à la joie.

              Les notes et  les mots s’accordaient si bien qu’ils l’amenèrent sur le chemin qu’elle avait
              oublié d’emprunter depuis  si longtemps. Alors elle lâcha  prise, quitta la  grisaille  du
              quotidien, prit  des ciseaux, du carton et se mit à découper des personnages fabuleux à
              qui elle donna vie dans des décors éphémères.

              Elle  avait  maintenant  envie  de  partager,  aussi  invita-t-elle  les  enfants    qu’elle
              rencontrait, à  suivre  ses aventures  inventées chaque  jour.
              Accroupis autour d’elle, ils en oubliaient le coude égratigné, la dernière chamaillerie de
              la cour  de récréation, leurs  yeux étaient chargés  de poésie et d’espoir. Elle nomma
              son  spectacle  « l’attrape  -papillon »  car  elle  savait  dorénavant  que  le  bonheur  est
              fragile  comme  les ailes d’un papillon.

























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