Page 89 - Le grimoire de Catherine
P. 89
légendes décrivant les palais fastueux, les dieux délirants, les rois et reines aux profils
immortels. Le temps s’était maintenant, arrêté. Les fenêtres de la bibliothèque s’étaient
ouvertes, elle se promenait sur le dos d’un cheval ailé ! Un petit papier vint à tomber,
était-ce un message d’un pharaon ?
« Un litre de lait, cinq yaourts, un kilo de pomme de terre, ne pas oublier un sac de
litière pour le chat » ! Qui a osé oublier sa liste de course dans ce livre ! Quel outrage !
Fâchée d’être descendue si brutalement de sa monture mythologique, elle eut l’envie de
faire une pause. Comme sa vie avait changé depuis que ce garçon fréquentait son lieu
de travail. Elle pensa à la petite Alice aux pays des merveilles qui avait dû, être, elle
aussi, bien triste quand elle était sortie du terrier du lapin blanc.
Le soir tombait, allez un dernier effort, elle était maintenant dans les écrits du Moyen
Age. Pas faciles à comprendre, toutes ces poésies tantôt en langue d’oc, tantôt en celle
d’oïl. Que de chants d’amour. Mais j’en reconnais certaines ! Un de mes amoureux
d’autrefois, à cours d’inspiration m’en avait fait parvenir, s’en disant l’auteur. L’escroc, c’est
là qu’il avait puisé son inspiration. Rien de grave, le temps adoucit les petites rancœurs !
Le lendemain amena son lot d’abonnés dont son « emprunteur » habituel. Notre
bibliothécaire avait décidé d’aller droit au but et de le questionner sur ses recherches si
insolites.
« Pourrai- je vous aider ? Je vous observe depuis plusieurs jours et vous trouve bien
désemparé.
-Pourquoi pas ? Il faut d’abord que je vous confie que je suis très ennuyé depuis qu’une
pie s’est installée sur mon balcon. Elle a commencé par chasser mes petits oiseaux,
mes petits compagnons de solitude, qui m’annonçaient chaque bonheur du matin. Elle
s’est installée à leur place sur mon balcon et surveille dorénavant tous mes faits et
gestes. Elle frappe à la vitre et pousse des cris de crécelle.
De son nouveau perchoir elle régente tout le voisinage. Les arbres sont sa propriété
ainsi que les jardins. Elle règne en souveraine. Noire, luisante, l’œil cruel, le bec affuté,
elle nargue quiconque oserait la déranger. Aussi ai-je décidé de m’en débarrasser !
Une bête aussi démoniaque ne peut pas être éliminée de manière classique. Claquer
dans les mains ne lui ferait pas trembler une plume, lui faire boire quelques gouttes
d’eau croupissante ne lui déclencherait aucun spasme mortel !
Cette espèce d’oiseau me semble coriace, en tant que prédateur, elle doit connaitre
une infinie de moyens pour déjouer tous les pièges existants. Aussi avais-je décidé de
rechercher dans les ouvrages rassemblant les savoirs de tous les temps comment
trouver la solution qui lui sera fatale.
Les théropodes ont bien fini par disparaître qu’ils aient mangé ou non des graines de
pavot. Les vautours égyptiens sont prisonniers pour l’éternité dans leurs colonnes de
porphyre et les secrets de leur pharmako se sont effacés, étouffés dans leurs feuilles de
papyrus.
Tous mes efforts sont vains et la pie ricane ! »
85