Page 90 - Le grimoire de Catherine
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Notre  bibliothécaire fut  toute attendrie par cette détresse .Elle admira sa quête éperdue
            d’une solution au milieu de  cette forêt de livres  souvent  hermétiques. Elle  aimait   tous
            ceux qui  mènent  combat .Combien de fois  n’avait-elle pas traversé  l’Espagne aux cotés
            de Don  Quichotte ?
            Ensemble, ils allaient trouver une solution.

            -« Je  vous    propose    que  nous  reprenions  toutes    vos    notes.  Vous  avez  tentez  d’ouvrir
            des  grimoires mais aviez-vous  les bonnes clés ? Moi, qui vis en leur compagnie  depuis  si
            longtemps, sais,  qu’ils  leur arrivent de laisser échapper, de temps  à  autre, un trésor.
            -Comment  ça un trésor ?

            -Une autre  façon de  penser.


            Cela  plut      beaucoup  à    nos  deux  compères  qui  décidèrent  de  regarder  différemment
            l’énigme posée  par leur  volatile, et si,  se dirent-ils,  nous cherchions plutôt  quel est  son
            problème. Pourquoi  faisait-elle  un tel  vacarme ? Pourquoi lançait-elle  des œillades  aussi
            diaboliques ?

            C’est alors qu’un groupe d’enfants passa  dans la rue. Ils étaient heureux,  et  chantaient à
            tue-tête :  «Y a une pie dans le poirier  j’entends la mère qui  chante, y a une pie dans le
            poirier j’entends la mère  chanter … » Ils venaient  de trouver  leur  explication. Cet oiseau
            n’avait aucune raison  d’être  sur  cette  fenêtre. Il s’était perdu et tentait  de transmettre sa
            détresse.

            Comment    en    était-il  arrivé  là ?  Ils  relirent  et  relirent    les    notes  prises  par  l’étudiant  et
            soudain la  bibliothécaire retrouva  la définition  du mot  « égaire » qualifiant cette  herbe
            qui fait vous fait   perdre votre chemin.
            Elle    y    croyait,  cette  plante    maléfique      existait,  elle  l’avait  écrasée  un  soir    et    avait
            rencontré  mille    difficultés  pour  regagner  son  domicile.  Elle  n’eut    aucun  mal    à  en
            persuader son compagnon. D’étranger  inquiétant, il était devenu  complice et ami.

            La pie  avait  besoin  de retourner dans  son nid, dans  son poirier. Elle avait  dû, elle aussi,
            côtoyer l’égaire, cette plante   aux  pouvoirs  maléfiques.
            Il  fallait intervenir de toute urgence. Ils  fermèrent  la  bibliothèque, l’étudiant  en  profita
            pour  claquer  une nouvelle la porte, cette fois, il avait un  prétexte  pour   se faire plaisir
            ainsi. Les  petites  taquineries  quotidiennes  ne sont  pas à  négliger.

            Ils  partirent   sur  le marché  aux oiseaux et  achetèrent  une  cage chatoyante, prévue
            pour  un oiseau de Papouasie. Cela allait   plaire  à leur oiseau en détresse.  Ils  n’eurent
            aucune difficulté  à la  déloger de son repaire  précaire pour  qu’elle accepte d’entrer  dans
            ce panier luxueux.

            Quelle  fut  longue  cette   route de retour !  De chemin  en chemin, de clairière  en clairière.
            Tous   sans issue. Il a fallu  en  sauter  des haies et des  rivières  avant que notre  héroïne
            laissa  un « tchia-tcha»  de victoire. Elle avait reconnu  son   royaume.  La cage ouverte,
            elle  s’envola  sans  se retourner, laissant  la porte   se refermer  bruyamment. La notion de
            plaisir existe  chez toute  espèce vivante  en déduisit  le jeune homme.



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