Page 78 - Le grimoire de Catherine
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LES CUEILLEURS DE VOLUBILIS
L’invitation.
Tentant d’aller se lover dans la galaxie des rêves quand le quotidien est trop gris,
informe et insipide ! D’ailleurs la réalité est–elle de manière sûre dans les choses
concrètes ?
Je pense que la véritable réalité pourrait bien se trouver dans les rêves.
J’invite celui et celle qui partage cette présomption à me suivre. Pour cela, il va falloir
accepter d’être différent de ce que vous êtes, d’abandonner vos certitudes, de lâcher
prise.
Tirez avec moi le grand rideau de velours écarlate du théâtre de la réalité. Ne craignez
rien, ne vous retournez pas, bien que vous ne risquiez pas d’être changé en statue de
sel, telle Eurydice ; je ne propose qu’un voyage d’une seule nuit, dès l’arrivée du jour, je
vous re-déposerai devant votre écran d’ordinateur, c’est promis.
Je vous invite au voyage, dans le pays des ombres et des reflets, des fumets et des
parfums, des mers et des quais, je vous invite à vous enivrer en partageant mon
flacon d’imaginaire, à arrêter les aiguilles des horloges, à les jeter par- dessus les
moulins à vent, le bonheur fait économiser le temps.
Vous êtes prêt ? Je vous emmène dans un ailleurs, chez les cueilleurs de volubilis,
chez les cueilleurs d’instants.
Vous devez vous demander comment et pourquoi je connais si bien ces amateurs de
fleurs si fragiles ? Je pense que c’est le moment de vous révéler qui je suis car je vois
votre étonnement et les questions ne vont pas tarder à affluer. Je suis le cousin du
Lapin Blanc qui traverse l’histoire d’Alice au pays des Merveilles.
A partir de maintenant je vous invite à me suivre, comme dit le poète « Le bonheur
c’est du malheur qui se repose », profitons de ce moment ensemble. Une dernière
recommandation, ne me posez pas de question, dans mon pays, la question n’entraîne
pas de réponse.
Le gîte aux loups
Phoebus caresse maintenant une dernière fois les statues encapuchonnées du Parc,
laissant son baiser d’or sur les branches frissonnantes. Tout devient étal. C’est le
moment de me suivre dans la tanière des grands loups aux grands yeux d’acier,
porteurs de pelages argentés. Profitons de la complicité des animaux sauvages qui
aiment ma compagnie lorsque je leur raconte des folies de Lewis Caroll, pendant les
longues soirées enneigées.
Ne faite aucun bruit, les bêtes sauvages sont sensibles des oreilles, peut-être seriez-
vous pareil si votre survie en dépendait mais vous aussi vous êtes vulnérable. Vous
êtes-vous arrêté un instant pour y réfléchir ?
Sentez-vous cette odeur de champignons collectée lors des grandes randonnées par
ces loups sentant la froidure arriver. Le coffret de la nuit s’entrouvre
précautionneusement, libérant son habit noir parsemé d’étoiles.
Tout entre en vibration, les grilles du Château se mettent en mouvement, écoutez !
Entendez soupirer les amours aux ailes d’or, prisonniers des marbres et stucs depuis
des siècles !
Ecartons des branches de notre repaire pour mieux voir. La grande avenue, long
ruban gris d’asphalte, s’anime peu à peu.
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