Page 79 - Le grimoire de Catherine
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Quelles sont ces silhouettes, ces fantômes, tous vêtus de vert ? Chacun de leurs pas
résonne dans mon cœur comme sur une enclume. Le vent propice fait tomber, telles
des chrysalides, ces pelisses d’hiver.
L’âme du Parc est là et défile devant nous. Encelade dans sa toute puissance
retrouvée mène le défilé, Flore porteuse de brassées de fleurs improvise une ronde
des saisons, l’angelot du bassin de l’été remercie le soleil pour ses rendez -vous
annuels tandis que Bacchus offre les raisins de l’ivresse du plaisir et de l’oubli à qui
le veut.
Saturne perd sa cuirasse de glace. Galatée, la nymphe marine a même quitté son
piédestal et montre à la lune sa peau blanche comme le lait. C’est tout l’Olympe qui
défile. Il est suivi de dauphins et de crapauds malicieux.
Cette procession, tout d’abord si solennelle, se transforme peu à peu, rue par rue, en
une farandole sous les reflets de la nuit, toutes les chandelles du ciel sont maintenant
allumées pour accompagner cette escapade hivernale. La lune prend son bain du soir.
Je vous ai dit qui je suis, mais je n’ai pas précisé où j’habite.
J’habite à l’intérieur d’un arbre, un grand marronnier qui connaît tous les secrets des
écureuils, aussi je vous propose de grimper avec moi tout en haut de celui-ci. Il vaut
mieux, en général prendre de la hauteur. On y est plus à l’aise, c’est beaucoup moins
peuplé, l’air y est plus respirable. Les cueilleurs de volubilis s’y retrouvent pour
observer, tout à leur aise, les boutons de ces fleurs libérer comme à regret les corolles
encore plissées du sommeil originel.
Faisons comme eux, devenons des cueilleurs d’instants.
L’arbre aux écureuils
Recommandation importante, ne faites aucun bruit, je partage ce refuge avec un
hérisson et actuellement il hiberne. Les besoins de chacun même s’ils vous sont
étrangers doivent toujours être respectés.
J’espère que vous avez tous bien calés entre deux branches car le spectacle continue
sous la voûte nocturne. Encelade distribue, en ce moment, des bâtons aux couleurs
irisées…surprise ce sont des bâtons de pluie. Chacun agite en cadence au-dessus de
sa tête de marbre ou de pierre cet objet offert par la belle Alizé qui adore cette
symphonie de gouttelettes d’eau.
L’avenue et toutes les rues adjacentes sont devenues fleuve et ruisseaux. Cela
réveille rouge-gorges, bouvreuils et moineaux. Ceux-ci lissent rapidement leurs ailes
froissées dans l’attente du soleil pour un bain de jouvence offerte par cette farandole
inattendue.
Ca arrive de toutes parts. Certains ont conservé sur leurs plumages les reflets du
Pavillon Rose de Saint Petersbourg, d’autres le parfum des jardins de l’Alhambra.
Aujourd’hui ils s’ébrouent dans les notes de musique égrenées par nos statues en
marche, tandis que les volubilis en profitent pour se désaltérer.
Que se passe t-il brutalement, les nuages qui, en complicité avec la lune, avaient
commencé leur défilé arachnéen se figent, s’écartent. Un ténébreux orage révèle une
silhouette se dessinant dans le lointain, un albatros ? Regardez comme il s’approche de
notre arbre. Non c’est un oiseau fabuleux, ondoyant, un oiseau aux mille reflets d’or, le
Phénix de la Fenice ! Décidément il ne veut rater aucun événement inédit. Nos
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