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Une Genevoise voilée parmi les siens


                                                                                        prend ses 3,20 frs. Cest ter-
                                                                                        mine : la transaction sest
                                                                                        faite, sans parole, sans souri-
                                                                                        re, sans échange.
                                                                                        Jentre coup sur coup dans 3
                                                                                        des plus prestigieuses bijoute-
                                                                                        ries de la rue du RhOne. Je
                                                                                        pane un semblant danglais et
                                                                                        requiers des bracelets.
                                                                                        Alors pendant quelques minu-
                                                                                        tes je suis une riche dame du
                                                                                        Golfe. On me passe autour du
                                                                                        poignet des splendeurs dont
                                                                                        essaie dapercevoir le prix.
                                                                                        Ce bracelet-cl vaut 50 000 frs,
                                                                                        celul-la 70 000 frs car ii a
                                                                                        plus de pierres précleuses.
                                                                                        Quant aux autres us doivent
                                                                                        être encore plus chers car ils
                                                                                        sont rutilants de diamants.
                                                                                        Les cameras des magasins
                                                                                        sont braquées sur moi. On
                                                                                        pourrait entendre le vol dune
            Le robe est noire, longue, elle   détournent le regard, tournent   alors serait-elle faite dune
                                                                                        mouche. Les sourires sont
            va jusquà terre avec un petit   ostensiblement la tête, regar-  discretion de bon alol ?
                                                                                        figes, les mots parcimonleux
            col montant. Les manches sont   dent ailleurs. La peur ou plu-
                                                                                        et feutrés.
           très amples, la robe est large.   tot la gene sont perceptibles.   Je parcours les rues basses
            On ne volt pas les formes sous   Dans la rue on sécarte pour   de Genève guettant les réac-  Je transpire sous mon voile.
            lAbaia des femmes du Golfe.   laisser passer, on jette au plus   tions des gens : la désappro-  Alors je fais la difficile tout en
            Les femmes d'Arabie sont   un coup dil furtif vite rêpri-  bation, le dêgout, l'indifféren-  promettant de repasser le len-
            pareilles a des fantômes, mais   me et on feint de sintéresser   ce se succêdent tour a tour. Je   demain sil y a plus de choix...
           en noir. Les cheveux sont   a quelquechose d'autre. Les   longe les murs, je baisse la   En effet je viens de reconn
           caches par un voile qul ensêrre   gens assis dans les bus pren-  tête, mon cur bat la chama-
                                                                                        altre dans une vendeuse la
            les tempes, le nez , la bouche   nent un air absent, lointain en   de Iorsque japercois une de
                                                                                        fille dune de mes voisines.
           et le menton sont invisibles   regardant sans les voir ces sil-  mes connaissances : elle ma   Alors avec un petit signe de
           sous le voile noir. II reste les   houettes dun autre monde   regardee mais elle ne ma pas
                                                                                        tête royal je me sauve.
           yeux mais personne ne les   qul déambulent dans Genève.   vue                Après la rue du Rhône et le
            regarde.                 Quant aux vendeurs et yen-                         qual des Bergues , jentre
                                     deuses dans les magasins us   Jentre dans une mercerie. Je   dans un magasin de chaussu-
           Jamais les yeux de la femme   sourient de facon figee, us   fais comprendre par gestes Ce   res situê dans un passage oü
           voilêe ne rencontrent un   nessaient pas de surmonter   que je cherche. Je dois 3,20   sont attablés, autour de bois-
            regard                   cette barrière invisible faite   frs. Je présente une poignee
                                                                                        sons fraIches, 5 messieurs qui
            Bien au contraire les gens   dune imperceptible gene ou   de monnaie. La vendeuse
                                                                                        discutent allègrement. Cest le
                                                                                        mois de juillet et la canicule,
                                                                                        la porte du magasin de chaus-
                                                                                        sures est grande ouverte.
                                                                                        JOte mes chaussures afin
                                                                                        dessayer celles que jai envie
                                                                                        de passer. Cest alors quun
                                                                                       silence soudain et pesant me
                                                                                        fait lever la tête : 5 paires
                                                                                        dyeux sont braquês sur mes
                                                                                        pieds nus
                                                                                        Jal en une seconde la sensa-
                                                                                        tion dêtre nue comme un ver
                                                                                        et sens une vague de honte
                                                                                        menvahir. Je remets mes
                                                                                                    abruptement.
                                                                                        chaussures
                                                                                        Mon abala noire qul balaie le
                                                                                       sol me rend mon assurance et
                                                                                        la sécurité. Cest alors que jal
                                                                                        compris
                                                                                       Jai marchê Iongtemps dans les
                                                                                        rues avec un profond senti-
                                                                                        ment de solitude et de liberté.

                                                                                                      Marie Weber
           24  Diva  7.2004
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