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«Bien malin qui peindra le dernier» ou «À painter, painter et demi».
            Par Michel Guérin



            Patrick Moquet est un peintre qui part d’images, non parce qu’il superposerait image
            et peinture, mais tout au contraire parce que son œuvre tourne autour du problème de
            la relation de la peinture avec l’image. Il s’agit en tout cas de partir de l’image (voire
            du cliché) pour aller vers la peinture : s’engager toujours plus en elle.
            Voici encore –  la plus récente à ce jour des (déjà nombreuses) séries de l’artiste : L’Art
            de la peinture (2017). Elle se compose de trois sortes de pièces : des peintures sur
            toiles de formats très différents (la plus grande : 195 x 260 cm), de papiers marouflés
            sur bois de même format (19,2 x 29 cm) réunis sous le titre Produits dérivés, enfin de
            boîtes (hauteur 5 cm, largeur et longueur 10 cm) dont le couvercle seul figure un motif
            scénique et qui sont remplies d’une peinture débordant sur les côtés ; ces boîtes ont
            pour titre évocateur Le poids des sensations. On ajoutera, pour achever cette descrip-
            tion extérieure, que l’Art de la peinture se partage entre L’Action et La Connaissance,
            dichotomie où certains reconnaîtront une allusion aux deux volumes des manuels de
            philosophie inculquant au potache peu regardant (c’est-à-dire pressé d’en finir) l’idée
            que la philo, c’est aussi simple que la vie : tout ce qui n’est pas action est connaissance
            et réciproquement. Ainsi tranché, voilà le programme quasiment révisé !
            Ce décor planté, entrons dans le sujet lui-même. L’Art de la peinture se présente comme
            un pastiche pictural des images tirées de la vidéo performance réalisée en 1995 par
            Paul McCarthy intitulée Painter, le rôle titre étant tenu par l’artiste réalisateur (collec-
            tion du Centre Pompidou, environ 50 mn).
            Les séquences de l’artiste dans l’atelier, tout à sa cuisine « merdique », sont ponc-
            tuées par de brèves interventions de la galeriste, puis des critiques sanctionnant et
            « interprétant » les éructations et gesticulations éruptives du peintre. La performance,
            en première lecture, se moque du monde de l’art et, plus particulièrement, de l’ex-
            pressionnisme abstrait, dernier avatar du mythe romantique de la génialité («  De
            Kooning ! » s’exclame à plusieurs reprises le painter). On assiste en réalité à une
            farce burlesque. Le peintre porte une blouse courte d’hôpital sans rien dessous, ainsi
            qu’une blonde tignasse. Tous les personnages (le peintre, sa galeriste, les critiques)
            sont affublés d’un gros nez évoquant le clown. Qu’on sache bien que nous avons af-
            faire à une clownerie ! Sans exclure peut-être les connotations de gros mensonge ou
            d’imposture, voire les illusions et hallucinations procurées par l’alcool et/ou les psy-
            chotropes…Les mains du peintre sont énormes et flasques, les doigts enflés sont des
            boudins. Allez donc travailler posément avec des paluches pareilles ! Autant pratiquer
            la microchirurgie en chaussant des gants de boxe ! Le painter ne « boxe » t-il pas son
            inspiration, d’ailleurs, à l’aide de gourdins, de pinceaux géants, de pots poisseux, de
            tubes énormes marqués red, black ou…shit ?


            Que fait-il notre peintre ? Il s’agite, se démène, touille, verse, transvase, pousse, porte
            en force (ses tubes monstrueux), soupire, bruissant de grognements, borborygmes,
            soupirs appuyés, pétarades, vocalises grotesques. Son monologue, qu’on n’oserait
            qualifier d’intérieur, s’auto-interpelle de « OK » retentissants. De loin en loin – rare-
            ment – il se jette sur la toile occupant tout le mur pour la zipper ou la frotter. Action
            painting ! La gestuelle tout entière est grossière, car c’est celle d’un monstre. Loin du
            métier précis et soigneux du faber, elle évoque un personnage que l’Évolution n’a pas
            daigné terminer, une sorte de créature préhistorique, maladroite et brutale, guidée
            par le seul instinct. Le painter fera ses besoins naturels dans l’angle de l’atelier. Le
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