Page 58 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
Aussitôt, je réplique :
— Et les sans-culottes ? Et à la prise de la Bastille, et
la commune de Paris ? Qu'avaient-ils pour se
battre ?
Personne ne trouve à répondre et la conversation dérive
sur d'autres sujets quotidiens, s'arrête là.
Dans les jours qui suivent, je vais en voir, en
croiser beaucoup des pauvres, des SDF.
Sous leurs cartons, sous les ponts, pas que parisien, en
banlieue aussi, sous les ponts d'autoroute, dans des
squats, dans le métro, sur des grilles d'aération qui leur
apporte un peu de chaleur, partout. Hirsutes, sales,
estropiés, faisant la queue pour une place dans un asile,
pour une soupe chaude, pour un vestiaire où ils pourront
obtenir qui un manteau, qui une paire de chaussures.
Parfois des femmes, plus rarement avec des enfants, mais
ça arrive. Des femmes tremblantes qu'on leurs retirent le
fruit de leurs entrailles.
Parfois aussi des hommes avec des chiens, des chats et
même un avec un rat blanc.
Je vais en croiser tous les jours. Parfois une femme, un
homme qui pleurent dans un coin sombre de la capitale.
Mon cœur se sert, se révolte.
Comme les Juifs pendant la guerre, en partance dans les
camps, ils se laissent conduire à l'abattoir sans rien dire,
sans réagir. C'est incompréhensible pour moi, et en même
temps, qu'est-ce que je fais moi ? Comme eux. Hugo a
raison, il faudrait qu'un homme se lève !
Unis, les pauvres forment une force incroyable ! Ils l'ont
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