Page 56 - Fleurs de pavé
P. 56
Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
deux enfants qui viennent de mourir de froid, dans la rue.
Ses enfants sont morts à deux jours d'intervalle. Puis elle
la troisième nuit.
Une poignée d'entre nous la connaissaient, au moins de
vue, mais ce sont tous les SDF qui sont révoltés.
Nora et moi l'avons vu encore la veille, dos voûté, avec
aux pieds de gros godillots informes, à la main un sac
plastique d'hypermarché. Par-dessus son manteau, elle
avait recouvert ses épaules de trois gros pulls bon marché.
Les médias font bien sûr écho de cette dramatique
affaires, mais c'est la question de quelques jours avant
qu'ils ne passent à autre chose.
— Dans une semaine, ils auront oublié, déclare
Baobab, un ancien fort des halles, aujourd'hui
sous les ponts.
— Bien sûr ! On a vu ça avec l'abée Pierre, avec
Coluche, et au bout ? Aujourd'hui où en est-on ?
Argumente le prophète.
— Ils ont quand même fait avancer les choses hein
! Réplique Madeleine la rouquine.
— Oui, mais aujourd'hui, est-ce que nous ne sommes
pas encore plus nombreux à la rue ? Insiste
Baobab.
— Il faudrait frapper plus fort, plus haut, mais pour
ça il faudrait qu'un homme se lève ! Explique
56