Page 51 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
pas fréquenté la même, les souvenirs reviennent et se
superposent. Une grande cour pavée, remplie des
marronniers (châtaignier ?). L'odeur des feuilles mortes
en automne y était très présente. Ces feuilles que nous
devions récupérer pour le cours de dessin afin d'en
reproduire les contours, d'en étudier les nervures.
Dans la cour se trouvaient les toilettes. Un petit toit les
abritait, et chaque latrines avait une porte en bois de
couleur verte avec un cœur découpé. En dessous, nos
dessins à la craie. '' Le dirlo est un con '', '' merde à celui
qui lira '', etc. Il y avait aussi les urinoirs en zinc, tout gris,
avec de l'eau qui coulait dessus pour rincer. La rigole
débordait parfois et j'y ai mouillé plus d'une fois mes
sandales ou mes chaussures.
À l'intérieur de l'école, un grand préau couvert accueillait
les fêtes et les jeux, surtout les jours où la pluie nous
interdisait de sortir dans la cour. Les enfants jouaient au
ballon, aux osselets. Les garçons et les filles ne se
mélangeait pas encore à l'époque.
Dans cette école, que nous observons, des enfants jouent
comme nous, à l'époque.
Raoul et le prophète s'approchent de Nous. Ils nous
saluent et s'assoient sur le banc à nos côtés.
Je regarde Nora et lui demande :
— Comment dire lesquels finiront maçons,
architectes, avocat ou chômeur ? SDF peut-
être ? Pourtant rien, je dis bien rien ne les
prédispose à devenir SDF. Ils sont heureux, en
apparence seulement peut-être, mais ils jouent,
insouciants. Nous étions comme eux. Comment
en somme-nous arriver là ?
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