Page 82 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
Tu sais Claude, m'explique t-elle, je n’étais pas préparé à
vivre ainsi. Mes parents étaient des exploitant agricole
très à l’aise. Moi-même j’avais une petite vie bourgeoise,
étant mariée assez jeune à un important viticulteur de la
région bordelaise. Malheureusement celui-ci était un
coureur invétéré, alcoolique et violent. Pour ne pas
mourir sous les coups, j'ai dû divorcer au bout de trente
ans de mariage, car avec le temps, l'âge, il devenait de
plus en plus violent, dangereux.
Puis j'ai connu le colonel.
Nous n'avons jamais pensé à nous marier. Il était très
aisé, mais je m'en foutais, d'ailleurs mes propres biens je
les avais mis à son nom pour simplifier les comptes et la
gestion. On s'aimaient sans se poser de questions, et
surtout pas sans faire de calcul financier l'un rapport à
l'autre. On avaient tout mis en commun. Je n'ai jamais
manquée de rien avec lui, au contraire !
Et puis, il est mort et ses enfants ont tout pris, même ce
qui, à la base, était à moi, me venais de ma propre famille.
Aujourd’hui, je survis mais, aussi bizarre que cela puisse
paraître, ce qui me manque le plus c’est de pouvoir aller
au théâtre, dans des concerts. J’adore la musique
classique. J’arrive à me procurer des livres alors je me
plonge dedans, et j’oublie. Il m'arrive de passer des
journée entière à la bibliothèque Georges Pompidou, à
lire, à écouter de la musique, à attendre la mort qui me
ramènera près de mon chère Édouard, le colonel.
Son aspect menu, son visage fripé, comme ses
petites mains, son histoire me font peine et je serres les
dents pour ne pas hurler ma révolte à sa place.
Quelle injustice ! Comment peut-elle rester aussi douce et
gentille quand elle s'exprime ?
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