Page 17 - El Café Latino #29
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chaise à l’ombre et se sent fasciné en entrer en contact avec elle.
regardant les montagnes et le village En chemin, elle croisa ses frères dans la
depuis les hauteurs de son terrain. Il cuisine.
semble ne voir ni les montagnes ni le -Venez rapidement, vous n’imaginez pas
village, uniquement ce souvenir si lointain ce qu’il se passe ! Allez, grand-père se
qui l’emmène à Valdivia, au temps de sa souvient, venez vite !
jeunesse resplendissante. Sa mère, qui lisait dans la chambre,
Les chiens qui l’escortent aboient inno- entendit les paroles rayonnantes de la
cemment au vacarme d’une noix tombant petite et sauta du lit pour aller voir ce qu’il
sur le toit de tôle situé sous l’immense était en train de se passer.
noyer. Il y a quelques années, lorsqu’il était Lorsqu’ils arrivèrent dans le patio, ils se
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en meilleure forme physique et mentale, il rapprochèrent doucement et s’installèrent PING DECO
avait lui-même construit de ses mains un à un sur le sol. Ils formèrent une espèce
cette maison à l’abri et à l’ombre de cet de ronde discrète pour éviter d’inter-
arbre splendide. rompre ou d’incommoder le vieil homme, Découvrez le Manchot Décorateur
-… Là-bas on voit le visage de Gabriela qui demeurait immobile et mystérieux sur Boutique en ligne dʼobjets déco
Mistral… là, c’est une bouteille couchée. sa chaise.
Dit-il avec une voix posée, en observant en -Joyeux étaient mes yeux.
silence, comme étourdi, l’immensité qui Dit-il avec une voix claire, examinant avec
l’entoure. lucidité les frets de sa guitare, et il laissa
L’écho du sifflement de la bouilloire, qui échapper de ses mains rugueuses un bel
boue de nouveau, résonne entre les ruelles arpège, simple et précis, en guise d’intro-
de pierre qui descendent du mont jusqu’à duction.
la cathédrale. La nuit avait déjà tout recouvert. La pleine
Le vieil homme chantonne et, pour lune dominait la vallée comme un phare,
changer, pose son regard sur les horten- éclairant le patio, les fleurs, et les larmes
sias qui poussent dans son patio. qui, tôt ou tard, seraient oubliées par tous,
-Il faudrait faire un autre p’tit thé… pa, pi, sauf par le vieux Tomas.
pa, paaai, pa, pa, paaaiiiii…
Et ses jours se répètent l’un après l’autre, “…olvidar es una flor, no florece pa'
comme calqués. Tout comme ses phrases, cualquiera, florecerá para ti palomita
ses arpèges, ses noix et ses petits sachets mensajera, tómala de la corola y goza tu
de thé. vida entera…”
Un après midi, alors que le soleil s’était
déjà couché derrière le mont et que Alegres eran mis ojos / la flor del olvido
quelques étoiles brillaient dans le man- - Violeta Parra.
teau bleu du ciel qui devenait de plus en
plus sombre, Tomas roulait une cigarette “…l’oubli est une fleur qui ne fleurit pas
et regardait sa petite fille dessiner la pour n’importe qui, elle fleurira pour toi,
maison, les montagnes et sa famille. colombe messagère, prends-la par la
-Laraira-lara-larairaa, laraira-lara- corolle et jouis de ta vie entière…”
laraaaa.
Il fredonnait et humidifiait le papier de riz
avec sa langue, lorsque quelque chose
dans le ciel s’illumina : un fin faisceau de
lumière grandit diagonalement dans l’air,
brilla intensément et disparut.
L’enfant se paralysa. Soudain, elle se leva
et courut embrasser son grand-père avec
émotion.
- Tu as vu ça grand-père ? Dis, tu as vu ça ?
Demanda-t-elle exaltée, un immense
sourire illuminant son visage. Elle répéta
deux fois :
- Grand père, tu as vu ? Tu l’as vu ?
Le vieil homme, qui n’avait pas vu l’étoile
filante, l’astéroïde ou quoi que cela fut,
mais seulement la lumière dans les yeux
de cette petite émerveillée par l’innocence
de celui qui découvre le monde, lui
chuchota :
-S’il te plait ma fille, apporte-moi la
guitare. Je me souviens.
La petite s’en alla en courant chercher la
guitare à l’intérieur de la maison. Elle alla
directement jusqu’au fauteuil où la guitare
reposait habituellement, comme invitant
© crédit celui qui savait jouer un air, ou donnant
envie à celui qui ne savait pas comment
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