Page 47 - Rebelle-Santé n° 213
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URGENCES
Dr Daniel Gloaguen
UNE DOULEUR DANS L’ÉPAULE ?
ET SI C’ÉTAIT UNE PARALYSIE DU GRAND DENTELÉ ?
Des douleurs sourdes dans l’épaule irradiant dans le dos après un effort intense ? Il s’agit peut-être d’un syndrome du grand dentelé, autrement dit d’une atteinte neuromusculaire qui peut entraîner une paralysie de l’épaule.
Bonnes résolutions obligent, nombreux sont celles et ceux qui vont s’adonner à la mus-
culation. Derrière les blessures directes (traumatisme par haltères), tendineuses (tendinites) ou muscu- laires (déchirures) se cache égale- ment un risque de lésion neuro- musculaire : le syndrome du grand dentelé, une lésion du nerf qui innerve le muscle grand dentelé et qu’on appelle « nerf de Charles Bell ».
PLACAGE DE L’OMOPLATE
Difficile d’aborder ce syndrome sans parler de la situation du muscle grand dentelé et de son rôle. En effet, il s’agit d’un large muscle tendu à l’arrière du thorax, sur les côtes, jusqu’au bord inté- rieur de l’omoplate. Trop méconnu et pourtant essentiel au mouve- ment de l’épaule, ce muscle sert à plaquer l’omoplate sur les côtes. Il est mis à contribution dans certains gestes sportifs, comme les pompes, le développé couché (soulève- ment d’une barre de musculation allongé sur le dos), et de nom- breux autres gestes sportifs (tennis, planche à voile, natation, sport de combat...). On le sollicite égale- ment dans la vie quotidienne (dé- ménagement, taille d’une haie...).
DOULEUR...
C’est donc essentiellement lors des efforts intenses, mal contrôlés, in- habituels, ou lors d’étirements, que le nerf peut être violemment étiré, jusqu’à se rompre parfois. À l’instar d’autres lésions nerveuses (lésion du plexus brachial), celle-ci se traduit dans un premier temps par
une douleur de l’épaule, sourde, permanente, à recrudescence noc- turne, à l’effort comme au repos, irradiant dans le dos ou le membre supérieur.
... ET PARALYSIE
Les muscles alentour n’étant plus – ou étant mal – innervés, le syn- drome s’accompagne progressive- ment d’une paralysie : les mou- vements de l’épaule – comme soulever le bras à l’horizontal – sont de plus en plus difficiles et douloureux. C’est bien souvent cette paralysie qui permet de faire le diagnostic. En effet, l’omoplate
n’étant plus fixée à la paroi thora- cique, elle est anormalement mo- bile lors de certains mouvements, comme celui qui consiste à pous- ser contre un mur, les deux mains à plat. L’omoplate se décolle du tho- rax du côté lésé. Un décollement dit en « aile de papillon ». On peut également retrouver ce signe lors des mouvements de « pompe », qui vont fatiguer précocement le muscle concerné.
ÉLECTROMYOGRAMME
Le syndrome du grand dentelé n’est pas, pour autant, toujours facile à diagnostiquer, surtout lorsque l’at- teinte est modérée. Dans certains cas, il ne se manifeste que par une fatigabilité de l’épaule et l’omo- plate reste collée au thorax lors du test des mains contre le mur. D’où l’intérêt de l’électromyogramme pour faire le diagnostic, qui montre alors une diminution de la conduc- tion nerveuse sur le trajet du nerf de Charles Bell.
REPOS
Seul le repos total permet d’espérer une parfaite récupération nerveuse (réinnervation) et donc muscu- laire. Il faut au moins une dizaine de mois, pendant lesquels pourra être mise en place une rééducation fonctionnelle (électrothérapie, bal- néothérapie...). Une reprise trop précoce expose à une rechute ou à une absence durable de récupéra- tion. En cas d’échec, l’intervention chirurgicale peut être nécessaire (fixation de l’omoplate, chirurgie du nerf, transfert musculaire...).
Dr Daniel Gloaguen
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