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Commentaires des décisions du CRD de l’ARMP

               présenter des justifications par écrit et que ces justifications ne soient pas jugées
               acceptables ».

               Les autorités contractantes doivent donc apprécier la réalité économique des
               offres,  afin  de  différencier  une  offre  anormalement  basse  d’une  offre
               concurrentielle. Le rejet d’une offre anormalement basse n’est possible que si
               une procédure contradictoire avec le candidat concerné a été déclenchée au
               préalable. L’exclusion automatique d’un candidat dont l’offre est suspectée d’être
               anormalement basse est sanctionnée par le juge.

               L’identifiant primordial de l’offre anormalement basse reste son prix qui, a priori,
               ne  correspond  pas  à  une  réalité  économique.  L’autorité  contractante  peut
               apprécier la dimension économique de ces offres à partir de plusieurs modèles
               : la prise en compte du prix de l’offre, une comparaison avec sa propre estimation,
               une comparaison avec les autres offres, une appréciation au vu des obligations
               qui  s’imposent  aux  soumissionnaires,  voire  l’utilisation  d’une  formule
               mathématique.  Pour  autant,  ces  indices  ne  suffisent  pas  à  qualifier
               automatiquement l’offre d’anormalement basse. En cela, le Conseil d’Etat (CE, 3
               novembre  2014,  Office  national  des  forêts,  n°382413)  a  considéré  que  la
               comparaison avec les offres concurrentes ou passées ou encore avec l’estimation
               financière du pouvoir adjudicateur est insuffisante pour déterminer une offre
               comme  anormalement  basse.  En  l’espèce,  la  haute  juridiction  de  l’ordre
               administratif français a estimé que le juge des référés a commis une erreur de
               droit en jugeant : « que l'offre de l'ONF était anormalement basse, par la seule
               comparaison de cette offre avec des offres concurrentes ou passées ou encore
               avec les estimations de prix du pouvoir adjudicateur, sans rechercher si le prix
               proposé par l'ONF était en lui-même manifestement sous-évalué et susceptible
               de compromettre la bonne exécution du marché en cause ». Cette sortie des
               juges du Conseil d’Etat illustre les précautions que doit prendre une autorité
               contractante pour déclarer une offre anormalement basse.


               Aussi, la personne publique « suspectant » une offre d’être anormalement basse,
               a-t-elle  l’obligation  de  demander  au  soumissionnaire  de  présenter  des
               justifications dont elle doit apprécier la pertinence pour prendre une décision
               d’admission  ou  de  rejet.  Cette  procédure  contradictoire  ne  relève  pas  d’une
               simple  faculté,  mais  constitue  une  obligation.  L’autorité  contractante  doit
               d’ailleurs  formuler  clairement  sa  demande  au  candidat  concerné  afin  de
               permettre à celui-ci « de justifier pleinement et utilement le caractère sérieux de
               son offre » (CJUE, 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko, C-599/10). Ceci dit, elle reste
               libre d’apprécier les justifications fournies et de considérer que l’offre « suspectée
               » en amont d’être anormalement basse, est en réalité la meilleure offre.

               Du reste, retenir une offre anormalement basse fait peser un risque sur les deniers
               publics, si les motifs de la différence de prix n’ont pas été identifiés, du fait d’une
               mauvaise exécution possible du marché : risques opérationnels, risque financier,

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