Page 55 - Demo livret 8
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J’ai voulu que la mise en page finale garde néanmoins trace de cette fluidité de pos- sibles propre à un plan de travail ou à une table de montage, donner l’impression d’une matière vivante jamais immobilisée. Ainsi j’ai organisé la disposition des images de sorte qu’elles restent nomades, mobiles, rarement vraiment centrées ou alignées, qu’elles touchent parfois aux marges, se coincent dans les plis de la reliure. La forme du livre m’a tout de suite semblée logique, puisqu’elle induit naturellement une temporalité. C’est pr- esqu’un film, qui défile à la vitesse qu’on choisit de lui donner en feuilletant les pages.
Chaque cahier contient une narration indépendante, qui fait en même temps partie d’un ensemble. Cet ensemble se déploie avec l’exposition, où on retrouve les pistes déjà amorcées dans les cahiers.
EXPOSITION
Je pense parfois que je perçois l’exposition comme un médium de cadrage. C’est le cas pour d’autres pièces que j’ai réalisées récemment (série « Suie », « Persimfans » pages 82-85, annexe) où un fragment sous forme de reproduction photographique est prélevé du réel, puis re-contextualisé dans l’espace d’exposition. L’exposition permet de cadrer ce fragment, de l’isoler de son entourage routinier pour le mettre en lumière. Pour ces deux séries j’avais ainsi établi un protocole où l’échelle et le positionnement des fragments dans leur espace d’origine étaient préservés et transposés dans l’espace d’exposition.
Pour K c’est un peu différent. Ce que j’expose ne consiste pas en des fragments d’un contexte recontextualisés dans un autre, mais des constructions via lesquelles j’essaye de mettre en lumière une situation, un lieu plus précisément.
Conçue en binôme avec cette édition, l’exposition propose une autre forme de déploie- ment de ce projet où les 7 discours-chapitres sont spatialisés et mis en relation les uns avec les autres. Chacun est représenté au sein de l’ensemble par une ou deux pièces, dont celles que j’ai conçues à partir de la matière documentaire collectée, ainsi que quelques documents bruts. Ces différents éléments s’unissent sous le titre commun du projet – K – ce qui n’exclut pas la possibilité pour certains de se détacher de l’ensemble par la suite. Les composantes peuvent par ailleurs être réagencées, remplacées, ajoutées ou enlevées. Néanmoins, à ce stade, je ne dissocie pas les pièces les unes des autres, aujourd’hui il s’agit pour moi surtout d’un tout, d’une exposition qui fait œuvre. L’édition y a aussi un rôle à part entière, ni facultatif, ni secondaire, mais celui d’un satellite nécessaire au bon fonctionne- ment des choses.
Cela est dû en partie au fait que les pièces sont liées par une thématique et une probléma- tique communes. Ensemble, elles forment une narration, où la coprésence de différents regis- tres de la documentation produit une multi-stratification de l’expérience : avec des images et des mots mis en forme, le visiteur a la liberté de formuler sa propre narration au fil des pièces.
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