Page 56 - Demo livret 8
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Les pages suivantes décrivent les pièces qui constituent l’exposition finale soit avec des phrases soit avec des images. Ces différentes pièces n’ont pas de titres, mais elles s’attachent à des mots, qui les définissent par rapport au procédé technique employé, sinon la méthode, sinon un indice de la forme plastique. Certaines pièces restent hors champ de cette de- scription, partielle fatalement, par rapport à l’expérience réelle de l’exposition.
Les pièces présentées ont été réalisées entre 2015 et 2018. La plus ancienne remonte au tout début du projet, mon deuxième voyage à Kaliningrad en avril 2015. Au sein de l’exposition elle joue le rôle d’introduction, à la fois spatialement − c’est par cette pièce qu’on commence la visite − et conceptuellement : un long travelling s’apparente à une visite guidée à travers une ville étrangère, il présente le lieu au spectateur, tout en gardant trace de mon regard candide face au contexte alors méconnu.
→ TRAVELING
Kaliningrad a hérité de Königsberg un vaste réseau de tramways ; 15 lignes fonctionnaient dans la ville dans les années 1940. Le tramway était une des fiertés de la ville. Entre 1895, année du lancement de la première ligne à Königsberg, et 1945, on le voit couramment parcourir les rues sur les photographies, les cartes postales et même des images filmées. En étudiant les chroniques documentaires allemandes consacrées à Königsberg, j’ai découvert quelques plans du centre-ville réalisés en travelling depuis un tramway en marche. J’ai voulu réutiliser le tramway pour filmer le paysage du Kaliningrad contemporain.
En 2015 trois itinéraires étaient encore exploités, aujourd’hui il n’en reste qu’un. À l’époque j’ai choisi l’itinéraire le plus long, celui qui parcourait toute la ville en passant par la place Centrale. J’ai filmé tout le trajet, aller et retour, en un plan séquence. Le film que j’ai ainsi obtenu est une boucle complète qui embrasse le paysage du centre-ville par l’image en mouvement : en deux heures et quart environ le film revient au point de départ et repart à nouveau.
J’ai commencé à étudier Kaliningrad par le déplacement. Le tramway était un moyen de me remettre littéralement sur les rails de Königsberg pour essayer de lire ces traces dans le paysage, faire des correspondances et comprendre les métamorphoses que
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Comme tous les trains allemands, celui-ci est bondé mais, à part nous deux, pas un seul voya- geur ne regarde par la fenêtre pour avoir un aperçu de l’un des champs de ruines les plus affreux peut-être de toute l’Europe et, quand je lève les yeux, je rencontre des regards qui disent: « Quelqu’un qui n’est pas d’ici. »
Stig Dagerman, Automne allemand, cité par Jean-Yves Jouannais dans L’usage des ruines.


























































































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