Page 52 - Test evain
P. 52
52
Apports
de la recherche
Le glissement du suivi - contrôle, au suivi - guidage, demande à s’intéresser à la notion d’accompagnement. Etymologiquement, l’accompagnement repose sur une double dimension. Celle de la relation et du cheminement. La mise en relation est première et conditionne la mise en cheminement. L’accent est mis sur l’écoute, sur la nécessité de voir l’enfant dans sa globalité et donc sa singularité. (Glasman 2000). Cette symétrie relationnelle ou “parité humaine” (Héber-Suffrin 1996) suppose le “care” c’est à dire s’occuper de, faire attention, prendre soin, se soucier de qui pourrait selon les contextes être rendu en français par soin, attention, sollicitude (Noël-Hureaux 2015). Accompagner, c’est s’inscrire dans le passage d’une logique de prise en charge par d’autres à une logique de prise en main de soi. C’est également passer d’une logique de substitution de l’autre à une logique de prise en compte, prise en considération (Paul 2004).
Accompagner, c’est alors :
- valoriser, soutenir et protéger, mais non assister ;
- se tenir avec, être présent mais, non penser, dire et faire
à la place de l’élève ;
-conseiller, guider, orienter mais surtout questionner
l’élève sur ce qu’il dit et non lui imposer une direction.
Dans la classe, le suivi réalisé par l’enseignant vise l’orientation de l’apprentissage et la supervision. Ces deux notions constituent des artefacts complémentaires et accompagnent les progrès pour les rendre plus sensibles. Au cours de son travail, ces régulations composent pour l’élève un chemin d’apprentissage tel des points d’étapes successifs (Durant 2002). Dans le cadre de l’action située, certaines études identifient la nature de cette supervision de la pratique et ce guidage de l’apprentissage par son suivi en classe (Gal-Petitfaux, Cizeron & Vors (2011) :
• des observations silencieuses : l’enseignement cherche à avoir une vue d’ensemble, de se construire une vision globale de l’activité de l’élève, son engagement, ses préoccupations, ses focalisations, pour en apprécier la conformité à l’attente d’une part et sa pertinence au regard de l’apprentissage en cours. Il n’intervient toutefois pas au profit d’une volonté de ne pas casser le rythme de l’action et de responsabiliser les élèves. Il entre dans la compréhension de l’activité de l’apprentissage vue de “l’intérieur” et laisse l’élève maître de son parcours à l’aide du degré d’autonomie qui lui est donné ;
• des guidages par flash : l’enseignant circule et au passage corrige rapidement par des injonctions, des corrections brèves. Ces communications cherchent aussi à renforcer les démarches positives empruntées par les élèves, par des encouragements, des validations, des caractérisations positives. Ces interventions sont motivées par la volonté de stimuler et entretenir le rythme des actions réalisées, doublée par celle de s’adresser à tous les élèves ;
• des guidages par suivi : l’enseignant guide l’activité de l’élève par une suite de corrections, sans l’arrêter. Il donne un conseil vif de l’action, observe comment l’élève se l’approprie, le répète plusieurs fois, jusqu’à ce que l’élève transforme son comportement, puis valide avec lui la réussite ou l’échec du résultat. L’enseignant adopte cette façon de corriger quand il perçoit que élève peine à réaliser ce qui est demandé et qu’il faut rester auprès
de lui pour le soutenir et le guider, jusqu’à le faire changer de comportement. Il envisage de se consacrer ainsi à cet élève dès qu’il juge que la classe est suffisamment impliquée dans la tâche ;
• des guidages par arrêt : l’enseignant stoppe l’activité de l’élève pour s’en rapprocher et prendre le temps de l’interroger, le questionner, le faire réfléchir. Par cette démarche, il le renvoie aux connaissances utiles pour faire, mesure son degré de compréhension et la nature de son appropriation personnelle de ces mêmes connaissances. Il lui fournit alors des explications complémentaires, riches, variées, reprend certains points. De manière amplifiée au guidage par suivi, le guidage par arrêt demande à ce que la classe soit d’autant plus autonome. (Saury & all 2013, p. 155 à 158).
D’autres observations issues du même champ scientifique mettent en lumière différentes démarches de suivi des apprentissages :
• le suivi comme guidage renvoie à cette expertise de l’enseignant dans la lecture de l’activité des élèves et de la conception de tâches d’apprentissage à partir des caractéristiques des comportements réalisés par les élèves. Il s’agit de les catégoriser, de dégager des axes de progrès en référence aux attendus, de proposer des tâches d’apprentissage adaptées et de les faire évoluer en relation avec les modifications observées dans les comportements des élèves (éventuellement en différenciant des “groupes de besoin”) ;
•le suivi comme accompagnement qui se fonde sur l’identification et la compréhension de leurs propres cheminements d’apprentissage. Il ne s’agit plus de comparer les comportements réalisés par les élèves avec ceux attendus afin de réduire l’écart entre ceux-ci grâce à des tâches et des consignes adaptées. Il s’agit aussi de permettre aux élèves de construire leur propre cheminement vers les compétences visées en choisissant éventuellement des objets d’apprentissage différents ;
• le suivi comme enquête qui exige la construction d’un “monde partagé” entre l’enseignant et les élèves, c’est- à-dire une capacité chez l’enseignant à intégrer le point de vue des élèves dans son propre point de vue tout en rendant perceptible ses propres attentes aux élèves. (Sève 2014).
Les démarches de suivi utilisées par l’enseignant s’attachent alors à une observation approfondie sur le processus qui mène au résultat. L’essentiel de l’apprentissage est de revenir expliciter l’implicite de l’activité et d’éclairer la stratégie utilisée. Dans cette perspective, existe une gestion des indices d’observation sur les processus d’acquisition en cours. L’enseignant observe par extraction d’indices qui caractérisent la manière dont l’élève s’y prend pour apprendre, en même temps qu’il mesure l’état d’avancée de cet apprentissage. Toute l’expertise de la régulation réside dans cette capacité de l’enseignant à faire ressortir certaines observations dont il sait qu’elles auront un impact sur l’activité l’élève. Pour y parvenir, il est nécessaire qu’elles correspondent à un des centres d’intérêts ou des points sensibles de l’engagement de l’élève, en même temps qu’elles représentent des leviers à l’orientation de l’évolution souhaitable, et souhaitée. Parallèlement, d’autres prises d’information sont à réduire car elles risquent d’altérer l’engagement ou de nuire à l’écoute de celles qui paraissent les plus essentielles. Cette démarche est de nature à faire adhérer l’élève et à le placer dans une posture d’écoute du conseil, d’attention particulière à sa compréhension, de participation active à leur mise en œuvre (Saury & all 2013 p 180).
Évaluer au fil de l’eau