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La réquisition est organisée dès le début de la guerre par un comité d’achat des armées selon un barème xé par une circulaire du ministre de la Guerre. Louis Bonnet, de Chizaret, est mobilisé uniquement en août et en octobre 1914 pour s’occuper de la réquisition des chevaux.
à Annonay. La commune de Quintenas doit fournir un état des immeubles vacants. Pour cela elle nomme une commission composée du maire et de deux répartiteurs, MM. Pierre Rioux et Alexandre Gagnaire.
Les traces du con it
Si les Quintenassiens font face aux contraintes économiques, leur moral est atteint par les nouvelles incessantes de nouveaux décès sur le front.
« Demain c’est l’anniversaire de la déclaration de guerre. Une année de malheur se termine mais nous ne voyons pas encore la n de ce éau qui semble pouvoir durer encore très longtemps. On est pourtant bien las de tout cela, mais nos ennemis sont tenaces et nous devons nous montrer courageux nous aussi » (13).
« Cela porterait le nombre de morts de la guerre à 25 pour une commune de moins de 900 habitants. Les paysans trinquent dur. Et la guerre n’est pas nie » (14).
« Mon frère m’écrit qu’il n’arrive pas à s’imaginer que je vais remonter bientôt sur le front. Il pense néanmoins que j’ai eu pas mal de chance jusqu’à présent. Beaucoup de mes camarades ou conscrits de Quintenas n’en ont pas eu autant. On dit que le jeune Buisson de L’Hautoire est mort et qu’il en est de même pour mon conscrit Juillat Ferdinand. On ne sait rien de quelques autres » (15).
Le recensement du bétail est sous la responsabilité de la commune. En mai 1915, le conseil municipal note :
« ... Il faudra désigner des membres du conseil qui se rendront dans toutes les écuries du village pour véri er les déclarations des propriétaires ».
En juillet 1916, sont désignés Auguste Octrue, Emile Bonnet, Pierre Riou et Jean-Baptiste Veyrand. Le conseil fait observer au Ravitaillement de Sarras que « le rassemblement des animaux sur la place de l’Eglise sera matériellement impossible : personne pour conduire les bestiaux, les Quintenassiens très occupés par les travaux ».
Il suggère de s’en tenir aux déclarations des pro- priétaires. Les réquisitions d’animaux s’accompagnent de celles de la nourriture nécessaire à ces bêtes (avoi- ne, fourrage) et des produits nécessaires aux attelages (harnachements, fers, clous) auprès des maréchaux- ferrants.
Le vin fait aussi partie des denrées réquisitionnées à Quintenas. Le conseil municipal désigne une com- mission chargée des opérations de réquisition de vin. Il nomme, parmi ses membres, MM. Chi et, Faure, Mi- coulet, Rioux et Veyrand ainsi que deux producteurs les plus importants de la commune, MM. Léorat Adrien et Chirol Auguste. Sont réquisitionnables, les vins de plus de 7° au pèse-vin Maligand. Les prix d’achat sont xés par l’Intendance militaire. Le conseil municipal intervient pour demander un prix plus en rapport avec les frais de culture, soit 50 F l’hectolitre au lieu de 35 F l’hectolitre. En effet, les maires des communes rurales doivent prendre en compte le manque à gagner de leurs administrés causé par les réquisitions. Le conseil mu- nicipal s’émeut aussi de l’impossibilité de vendre les pommes de terre au tarif souhaité à la suite d’une dé- pêche préfectorale, le prix d’achat des pommes de terre réquisitionnées étant inférieur au prix de production.
Dès le mois d’août 1914 la presse locale, notamment La Croix de l’Ardèche et Le Journal d’Annonay, se fait l’écho des préoccupations des municipalités à propos du logement des personnes déplacées et des réquisitions destinées aux militaires. Des familles de Quintenas accueillent déjà des réfugiés. Un décompte des sommes dues aux « hospitalisants » en octobre 1914 mentionne les familles Périol, Guigal, Clozel, Seux, Léorat et Debeaux. La gestion en est centralisée
13. Lettre de Jean Vergne du 15 août 1915. 14. Lettre de Jean Vergne du 17 octobre 1915. 15. Lettre de Jean Vergne du 2 avril 1916.
Certaines familles sont décimées. Elles ont quitté le village ou ont disparu lors du recensement de 1921 qui dénombre 861 habitants. Sept familles ont perdu deux de leurs enfants au combat. La propriété du Peyron perd trois employés et le ls de la maison.
La guerre laisse vingt-et-un orphelins de père qui seront, pour la plupart, « adoptés par la Nation ».
Sur les 216 hommes mobilisés vivant ou travaillant à Quintenas, 64 sont « Morts pour la France », 12 ont été faits prisonniers et 71 au moins ont été blessés (hommes dont la blessure est mentionnée dans la che matricule).
La population du village va poursuivre sa décroissance jusqu’aux années 1970. L’exode rural est durement ressenti et les familles ayant perdu leurs jeunes éléments ont du mal à se reconstituer. Malgré tout, le retour de la paix marque un élan perceptible dans les statistiques démographiques de Quintenas : les mariages explosent en 1920, même si l’âge des mariés est plus élevé que pour ceux d’avant-guerre (beaucoup de lles et de garçons ont plus de 30 ans), les naissances repartent à la hausse et les décès régressent à un niveau inférieur à celui des années 1910-1913.
Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018 114