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Le témoignage de Camille Vincent est fourni par un lot de lettres envoyées à sa famille, lot malheureusement limité à la période du 7 juillet 1917 au 3 avril 1918. Affecté à la 1ère compagnie de mitrailleuses du 61ème RI, Vincent débarque sans doute à Salonique en février 1917 avec son régiment. Après plusieurs mouvements en Grèce, il est engagé sur le front de Monastir, dans le secteur montagneux, à l’ouest de cette ville, où les sommets culminent à plus de 2 000 mètres.
Dans la quinzaine de lettres du lot, de juillet 1917 à avril 1918, il reste dans le même secteur, alternant les séjours en première ligne en altitude et les périodes de repos dans la plaine. Dans ses lettres, sans doute pour ne pas inquiéter sa famille, il fait état d’un secteur très calme sur le plan des bombardements d’artillerie, contrairement au journal de Joseph Roure qui se trouve dans le même secteur à la même époque et décrit de fréquents duels d’artillerie ! Il se plaint surtout du froid, de la neige, des déplacements sur des sentiers de montagne enneigés et du mauvais ravitaillement que de nombreux colis reçus de France compensent... en partie.
« 7 juillet 1917 : Ainsi que je vous le disais hier, je suis dans les montagnes, c’est un désert, il y a des mamelons qui ont plus de 2 000 m de hauteur. La neige n’est pas toute fondue. Le jour, il fait assez chaud, mais aussitôt que le soleil disparaît, il faut reprendre la capote. On se demande comment on va faire, si l’on est obligé d’y passer l’hiver.
13 juillet 1917 : Hier, j’ai reçu une lettre du 17, et avant-hier, j’avais eu celle du 21. J’ai reçu les pierres à briquet, mais le colis n’est pas arrivé. Peut-être y sera- t-il aujourd’hui ? J’en ai reçu deux qui étaient vieux, dans les boîtes en fer blanc, les fromages étaient gâtés, et le lapin aussi. C’est malheureux !
25 août 1917 : Je suis du côté de l’Albanie, tout près du lac Prespa. Nous sommes sur des montagnes de 2 400 mètres d’altitude. A présent la nuit, trois couvertures ne sont pas de trop (et attention aux pieds gelés). Et sur ces pistes escarpées, si on manque le chemin, on peut tomber je ne sais où ? Jamais on ne peut remonter ! Nous espérons que nous serons relevés bientôt. Et que cette vie ait bientôt une n, car ici on est bien malheureux... Mais le secteur est calme, on ravitaille en plein jour, c’est déjà bien.
28 août 1917 : Ici, c’est toujours la même vie, monter et descendre dans ces montagnes. Autrement comme danger, il est petit. On ne tire pas souvent. Le plus embêtant, ce sont les avions ennemis.
8 septembre 1917 : J’ai reçu 2 colis du mois d’août... Ici rien de nouveau, toujours la même vie, dans ces montagnes où l’on ne voit rien du tout.
29 octobre 1917 : Ici, on n’est jamais sûr de ce qu’on fera le lendemain. Nous étions au repos à Oréhovo. Mais ça a changé vite. A présent, on nous a fait déménager. Nous sommes installés dans un ravin.
2. La campagne de Camille Vincent
Monastir et le massif montagneux occupé par le front
11 Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018