Page 49 - matp
P. 49

 Louis Pellecuer est assis, le premier en partant de la gauche
 longtemps on ne pouvait ressentir la température un peu plus chaude car dehors le thermomètre marquait - 23°. On nous donna un peu de thé chaud et couchés par terre sur un peu de paille nous étions contents et oubliions nos récentes souffrances. Le matin vers 7 heures nous allions être évacués sur Gérardmer car la ligne de tramways de là à la Schlucht passait par là et la station était tout près... Cela arriva en effet... On nous emporta dans le tram. C’était le matin du 10 mars... On nous suspendit quatre au moyen d’un système pratique de chaînes. On repartit par Retournemer à travers les forêts. Vers 9 heures ou 10 on arriva à Gérardmer où beaucoup de monde nous attendait pour nous voir arriver. On me descend avec précaution et on me couvre d’une couverture. Il y a là des autos anglais qui nous attendent et dont les conducteurs aident à nous trimballer. On m’emporte dans le Grand Hôtel du Lac au bord du lac de Gérardmer. C’est le plus beau de la ville... De nombreux malades y sont déjà. Je suis presque confus de voir de si beaux appartements, moi qui revient des tranchées. La Croix Rouge nous reçoit bien. On me couche dans un lit d’où j’aperçois le lac et la neige qui tombe. Un Boche qui a le bras cassé est près de moi... Puis on me change et je me trouve près d’un camarade que j’avais connu autrefois et de 4 ou 5 autres de mon bataillon. Tous sont très aimables et c’est ce qui me frappe en entrant. Et mon lit ! Moi qui en étais exempt depuis huit mois, cela me fait une drôle d’impression de me sentir couché sur un matelas dans des draps bien blancs !! On nous donne un peu pour manger et dans la soirée on vient me chercher pour me porter à la salle de pansement...
Ici ce fut moins doux. Quatre médecins et deux in rmières étaient près de moi et m’examinèrent mes blessures. Je fus pour cela étendu sur une table d’opération recouverte d’une toile cirée... Je ne voulus pas qu’on m’endorme car cela allait être douloureux.
Je passai un mauvais quart d’heure certes quand on me nettoya mes plaies. On extrait quelques restants de drap que le projectile avait entraînés dans la chair avec lui, quelques éclats de fer, je crois et de terre etc. La pince pénétrant dans les blessures n’était pas très agréable. Cependant je me contentais de suer quelques gouttes et restais tranquille... Je trouvai certes longue la demi- heure environ que je restai là. Ça, c’était pour payer le repos que je prenais et les beaux draps blancs. Après cette douloureuse opération je fus reporté dans mon lit où je ne souffrais pas trop pourvu que je reste immobile et étendu sur le dos. Cependant mes pieds étaient je crois ce qui me laissait le moins de répit. Je croyais les avoir gelés tant ils me faisaient souffrir. En n, je passai la journée du 11 tranquille, garrotté dans les bandages, regardant la neige tomber. Le 12 vers midi comme il arrivait encore des blessés les médecins vinrent me demander si je pourrais supporter le voyage. Je répondis af rmativement. Ils m’examinèrent alors et me mirent “bon à radiographier” après m’avoir assuré que la douleur du ventre ne serait rien. Je devais partir le soir pour une destination inconnue. Je  s savoir à la hâte de mes nouvelles à mes parents et le soir, ou plutôt vers midi les autos anglais viennent me chercher et m’emportent à la gare où je vois formé déjà un train sanitaire complet. On me couche dans un wagon, il y a un in rmier, les majors circulent, on nous fait boire, nous sommes bien. Le long du chemin on nous apporte quelques oranges, cigarettes etc. Je ne souffre pas trop.
Nous quittons donc Gérardmer, nous passons à Laveline, Bruyères, Epinal où j’étais déjà venu, Allenwiller, Vesoul, Gray... Saint-Maurice, Louhans, Saint-Amour, Bourg, Ambérieu, Virieu-le-Grand, Culoz. Nous côtoyons le grand et beau lac du Bourget... Voici Aix-les-Bains. On s’arrête souvent depuis hier mais on  le encore... Nous arrivons à Chambéry. On doit nous descendre ici. »
47
Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018




























































































   47   48   49   50   51