Page 55 - matp
P. 55
Dans un article paru en 1994 sous le titre « Les parlementaires ardéchois et les pleins pouvoirs au maréchal Pétain le 10 juillet 1940, deux parcours : Edouard Froment, Xavier Vallat » (1), Maurice Boulle écrivait : « On n’aborde pas sans quelque inquiétude la forte personnalité de Xavier Vallat qui a suscité - et suscite encore parfois - des réactions contrastées... ».
Xavier Vallat est surtout connu pour avoir été Commissaire général aux Questions juives en 1941-1942.
Maurice Boulle poursuivait : « L’homme assume ses choix. Mieux, il les af che et avec une constance qui n’est pas toujours la règle chez les politiques ».
Mais Xavier Vallat c’est aussi depuis sa jeunesse cet homme viscéralement attaché à la tradition, celle d’un chrétien défenseur d’une société voulue par Dieu, construite selon un « ordre naturel ». C’est encore un régionaliste mistralien en même temps qu’un nationaliste français.
Les lettres adressées du fond des tranchées par le jeune Xavier Vallat à ses amis de l’Action Catholique de la Jeunesse Française, et qui se distinguent de bien d’autres écrites par les poilus, expriment déjà une pensée et une posture af rmées que les cinq années qui commencent le 2 août 1914 ne feront que con rmer.
Genèse d’une pensée dans les tranchées :
Xavier Vallat écrit...
Qui entend le nom de Xavier Vallat en France, mais plus sûrement en Ardèche, pense immédiatement au « Commissariat général aux Questions juives », cet organisme voulu par le régime de Vichy, créé par la loi du 29 mars 1941 pour appliquer une politique discriminatoire à l’égard des Juifs de France. Après avoir été un temps secrétaire général aux Anciens Combattants nommé par le gouvernement de Vichy, Xavier Vallat prend en effet la direction du Commissariat aux Questions juives et ce, dès sa création. Il se réclame publiquement d’un « antisémitisme non racial » basé, dans la dé nition qu’il en donne, sur le refus de la
Pierre LADET
part des Juifs d’une assimilation véritable et sur leur supposée incapacité à participer réellement à la vie politique et à la prospérité économique du pays.
Xavier Vallat est le dixième des onze enfants de Cyprien Vallat et de Victorine Morlat (2). Il est né le 23 décembre 1891 à peu de distance de Vaison-la- Romaine, à Villedieu où enseigne son père, instituteur public venu du Vivarais. Cyprien Vallat est légitimiste. Profondément croyant, il emmènera dès 1902 le jeune Xavier à La Louvesc avec le pèlerinage des hommes animé par le député Hyacinthe de Gailhard-Bancel (3).
1. In Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent, « 39-45, l’Ardèche dans la guerre », n°42, 1994.
2. Jean Augustin Cyprien Vallat et Victorine Marie-Thérèse Morlat.
3. Hyacinthe de Gailhard-Bancel est le petit- ls de Charles de Gailhard-Bancel qui fut membre des Cinq Cents sous la Révolution.
Avocat, chrétien social, très imprégné du monde rural, Gailhard-Bancel défend une société basée sur « l’ordre naturel » et sur les valeurs de l’Ancien Régime. Elu en 1899, inscrit au groupe Action libérale, il est de tous les combats contre la République et s’oppose farouchement à Emile Combes. 1905 le voit intervenir très souvent à la chambre dans le débat sur la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat, apostrophant ses collègues députés et plaidant pour que le droit commun soit appliqué aux congrégations, en contradiction avec la loi de 1901.
53 Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018