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Le tableau page précédente reprend la série des prix donnée par l’auteur, sur la partie gauche. La partie droite résulte du calcul de la variation des prix (hausse) durant la guerre Dp/p en pourcentage (taux) ou en multiple du prix initial. Ainsi l’accroissement des prix dans cet échantillon varierait entre un minimum de 150% (x 2,5), pour le blé, et un maximum de 966% (x 10,66), pour les pointes. On ajoutera aussi le prix du pain dont le rôle est primordial à l’époque : de l’ordre de 0,30 F le kg au début de la guerre et de 1 F à la n. En dehors des dépenses d’alimentation, une paire de chaussures, par exemple, valait de 13 à 14 F et une paire de sabot 1 F en 1914. Il convient de confronter ces prix aux revenus perçus par les habitants. L’auteur estime qu’en 1914, un petit rentier pouvait vivre avec une rente annuelle de 1 000 F ; un instituteur percevait de 1 200 à 2 200 F par an ; une épouse de mobilisé touchait par jour 1,25 F et 0,50 F par enfant, ce qui donnait pour une famille une somme de l’ordre de 1 000 F par an ; un travailleur nourri gagnait 1,75 F par jour et plus en été, particulièrement pour la fenaison et la moisson ; une laveuse était payée 1,25 F la journée.
économique chez la Vve Antérion, qui fait une sérieuse concurrence aux autres ; elle livre les produits... à un prix... bien au-dessous des épiceries ordinaires. Ainsi, le pétrole est vendu 0,75 F au lieu de 1,10 ; l’huile d’olive5Faulieude7;lelard9Flekgaulieude12; leriz2,50Faulieude3;levin1,25Flelitreaulieu de 1,75, etc. Les pâtes alimentaires ont fait de nouveau leur apparition, à la grande satisfaction du public, qui souffrait de leur absence. On donne maintenant 750 gr de sucre par mois, ce qui est raisonnable. Les légumes continuent à se vendre cher, et les détaillants réalisent de gros béné ces. Ainsi un chou- eur vendu 2 F à Valence est vendu 3 F à Alboussière ; les pommes de terre de semence sont livrées par la commune 44 F les 100 kg et les commerçants de la localité les vendent 54 F, ils prennent donc 10 F par 100 kg, ce qui représente 700 à 800 F par wagon... La paix que l’on attend depuis 6 mois n’est pas encore signée, et les alliés menacent de ne pas s’entendre au sujet des revendications italiennes. Tout le monde souhaite que cela s’arrange et qu’on se hâte d’en nir. »
2 août 1919 - « Depuis une quinzaine de jours, les Allemands ont accepté le traité de paix (2) ; néanmoins, la vie chère continue tout autant que pendant la guerre et personne ne peut, paraît-il, y apporter remède. On accuse toujours le manque de transport comme étant la principale cause de cet état de choses. Dans nos campagnes, bien peu de produits ont baissé. Ainsi, le sucre manque totalement depuis le mois de juin ; Valayer, épicier, en a fait venir 150 kg de celui qu’on vend librement ; en moins de 8 jours tout a été enlevé à 5 francs le kg, alors que le sucre du ravitaillement vaut2F20.Levinestvendu170Fl’hl,soit2Fle litre au détail. Les cafés d’Alboussière ont relevé les consommations à : 0,40 F la tasse et sans sucre ni cognac ; la bouteille de vin 1 F 25, celle de vin blanc 1 F 75 ; le petit verre d’eau-de-vie de marc 0 F 75, ainsi que tous les apéritifs. Le pain de ménage, car il n’y en a pas d’autre, continue à se vendre 0,65 F le kg et encore parle-t-on de remettre la carte de pain : en effet beaucoup de gens qui cuisaient leur pain gardent leur blé et leur farine et achètent le pain chez le boulanger. Malgré le coût de la vie, les touristes abondent dans les hôtels et payent 9 à 10 F par jour. »
11 mars 1920 - « En attendant la vie chère continue, et bien des produits augmentent au lieu de diminuer. Ainsi, à partir du 15 mars, on paiera le pain de ménage 1 F au lieu de 0,60 F, le lait vaut 0,80 F à Alboussière et 1FàValence,lebeurre13Flekg,lelarddepays12F le kg, le saucisson 17 F. Les chaussures, l’habillement augmentent sans cesse, si bien qu’il faut 300 F pour un habit de drap et 50 F pour une paire de souliers. La vie chère va encore augmenter car les employés des chemins de fer (les cheminots) ont fait grève pendant 8 jours, paralysant ainsi la vie de la nation. Quand donc reviendra-t-on à un état normal ? »
Toute comparaison du pouvoir d’achat de l’époque avec le pouvoir d’achat actuel n’aurait pas beaucoup de sens du fait de la composition absolument sans rapport des « paniers de la ménagère », et surtout parce que les dépenses alimentaires avaient un poids beaucoup plus important qu’aujourd’hui et que l’autoconsommation jouait un rôle considérable à la campagne.
I.2. La vie chère après la guerre : la n des illusions
24 janvier 1919 - « Voilà deux mois et demi que l’armistice est signé, le sang ne coule plus, du moins en France, car la Révolution avec la guerre civile continue en Russie et en Allemagne... Les prisonniers en Allemagne sont à peu près tous arrivés ; dans la région, on ne connait que Grandouiller, de Bleizac, qui ne soit pas rentré. Il est vrai qu’il se trouvait dans la Prusse orientale... Malheureusement, le ravitaillement laisse encore à désirer et la vie chère se maintient, si toutefois elle n’augmente pas. On prétend que la crise des transports y est pour beaucoup, et le ministre du Ravitaillement ne le cache pas. Il annonce que lorsque le service des transports se sera amélioré, le public verra sa ration mensuelle de sucre portée à 750 grammes au lieu de 500 grammes, le pétrole, l’essence qui sont si rares deviendront abondants... »
30 avril 1919 - « Depuis l’Armistice (11 novembre 1918), la situation économique s’est un peu améliorée, quoique la vie chère se maintienne à peu près au même point. Depuis quelque temps, le ministre du Ravitaillement a permis la liberté commerciale du pétrole et de l’essence et, actuellement, on trouve du pétrole dans les épiceries, l’essence dans quelques-unes seulement. A Alboussière, il s’est établi une épicerie
2. Le traité a été signé à Versailles le 28 juin 1919.
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Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018