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20 juin 1920 - « En n, la sécheresse persistante qui durait depuis le commencement d’avril, vient de nir, et une pluie bienfaisante a enrichi l’agriculture : céréales, prairies, pommes de terre, etc. Grâce à ces averses, les récoltes seront bonnes dans la région, sauf pour les foins. En même temps, il vient de se produire une vague de baisses en Amérique, en Angleterre et en France même ; les détaillants n’ont pas encore baissé les prix, mais il faut espérer que ce sera pour bientôt. Dernièrement, l’inspecteur des fraudes était de passage à Alboussière. Il a obligé les débitants à abaisser le prix de la limonade et de la bière (1,40 F) à 1,25 F la bouteille ; il a dressé quelques procès-verbaux pour écrémage du lait. Au village le lait vaut 0,70 F le litre, et les laitiers de Valence le paient 0,60 en gros. Le sucre libre se vend 6,50 F à 7 F chez les épiciers, et le riz 4 F le kg. A Saint-Péray, le mercredi 16 juin, les pommes de terre anciennes se vendaient 70 F les 100 kg. Le foin paraît devoir baisser ; cependant, au moment de le mettre en meule, on en offrait 40 F les 100 kg. Par suite de la baisse du change (en Suisse le Franc français ne valait plus que 0,35 Franc suisse), lesvaleursdespaysneutresavaientconsidérablement monté ; une obligation des Chemins de fer fédéraux, qui valait 70 F en 1914 était montée à 800 F ; une obligation de la Ville de Stockholm, qui valait 480 F en 1914 était montée à 750 F. Aujourd’hui, depuis que les chambres ont voté 9 milliards d’impôts nouveaux pour équilibrer le budget, le change s’est bien amélioré et il est monté aux environs de 0,50 F. »
25 juillet 1920 - « La vie chère continue et depuis quelque temps les boulangers livrent au public un pain bis assez grossier tout en le vendant 1 F le kg. Heureu- sement que la récolte de 1920 va être là et qu’elle est bonne ; espérons que bientôt nous mangerons un pain meilleur. Les autres denrées se maintiennent toutes à un prix élevé, sauf le vin où l’on parle de baisse. »
14 novembre 1920 - « Depuis le 1er septembre on paye le pain 1,30 F le kg, mais grâce à la bonne récolte il est un peu meilleur qu’avant. Réglementairement, la farine blutée à 80% doit renfermer 80% de froment et 20% de succédanés (seigle, maïs, orge, etc.). Malheureusement, les meuniers ne sont pas très scrupuleux : telle commune reçoit une farine qui donne un pain bis grossier, et telle autre voisine mange du bon pain. Les autres denrées se maintiennent à des prix trèsélevés:viandedeporc16Flekg,bœuf12à14F, veau 14 F. Au marché d’Alboussière, qui a commencé le 1er octobre, les châtaignes valent de 38 à 45 F les 100 kg, les pommes de terre 30 à 35 F, le beurre 13 à 15 F le kg, les œufs 13 F les 20. Le vin a légèrement baissé et se vend à Alboussière 1,60 F le litre. La bière et la limonade 1,40 F la bouteille, le vin blanc 2 F la bouteille de 0,60 litre, l’eau de vie 1 F le petit verre. »
I.3. De la vie chère à l’in ation
La vie chère : le début d’un mouvement séculaire. Sylvain Dumas a ainsi vécu, comme ses contemporains, le début d’un très long mouvement d’in ation
Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018 68
Comme le montre le graphique ci-dessous, le mouvement des prix est impressionnant et en tout cas inimaginable à l’époque. Hormis les guerres napoléoniennes, le XIXe siècle a connu une quasi- stabilité des prix ; les augmentations étaient faibles (moins de 5%) et souvent réversibles, compensées par des baisses. C’était le monde de Sylvain Dumas.
Après la Grande Guerre, il en va tout autrement : hormis les velléités de baisse évoquées dans ses notes en 1920, il n’y a aucune compensation. Il faudra attendre les années 30 et la grande dépression, suite à la crise de 1929, pour observer une dé ation, vite effacée avec la Deuxième Guerre mondiale.
Nous avons souligné la dif culté, voire le danger, qu’il y aurait à comparer les prix et revenus d’il y a cent ans aux données actuelles, du fait du profond bouleversement des structures de la consommation.