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I - LES FEMMES AU SERVICE DE LA PATRIE OU LA GUERRE DES FEMMES
La Grande Guerre est pour le deuxième sexe une expérience nouvelle de responsabilité et de liberté dans un contexte d’Union sacrée.
Le 12 avril 1915, Placide Astier, président du Conseil général de l’Ardèche, prononce devant cette assemblée un discours faisant appel à la mobilisation de tous ceux et celles qui ne sont pas militaires :
« A ceux qui n’ont pas l’honneur de porter les armes incombe le devoir de travailler de toutes leurs forces à la continuation, dans la mesure du possible, de la vie du pays... Vieillards, femmes et enfants ont rivalisé d’ardeur a n d’atténuer les maux inséparables de la gravité des événements ».
La participation des femmes à l’effort de guerre est à la fois économique, en particulier dans les domaines agricole et industriel, et sociale.
1 - Les femmes aux champs :
une majorité silencieuse, esclave de la terre
Placide Astier, le 1er mai 1916 dans une allocution devant l’assemblée départementale rappelle :
« Travailler est une loi naturelle rendue par les circonstances plus impérieuse... Nous savons que dans notre chère Ardèche, tous s’y soumettent avec joie et nous avons lieu d’en ressentir une légitime erté. Enfants, femmes, vieillards, sans se laisser rebuter par la dure épreuve, continuent de suppléer l’absence des hommes et d’obtenir de la terre nourricière le maximum de rendement ».
Elles doivent faire face aux aléas climatiques, à l’absence des hommes dans la force de l’âge mais aussi à la réquisition pour l’armée des animaux et de denrées alimentaires.
Emma Champetier de Laurac, âgée de 18 ans, a tenu jusqu’en octobre 1915 des cahiers faisant mention de ces réquisitions et des dif cultés des habitants (4) :
Marthe Fabre, de Brahic (aujourd’hui commune des Vans), vit avec sa mère et ses deux enfants, dont un malade, dans la ferme familiale. Son mari, Louis, n’est pas exposé au feu car il est ordonnance d’un of cier à Nice. Elle lui écrit souvent et parle notamment des activités dans cette ferme du Sud de l’Ardèche (5) :
« Le 24 mai 1915, Mon bien cher Louis,
Il ne faut pas, mon Louis bien aimé, te faire tant de mauvais sang pour le travail. Que veux-tu, on s’arrangera comme on pourra ; si le foin ne se coupe pas au mois de juin, il se coupera au mois de juillet ; il faut bien espérer que quelqu’un nous aidera... ».
« 4 août 1914 : Pour le ravitaillement des armées, la commune de Laurac doit fournir pour le vendredi 14 août 5 bœufs. Pour le mercredi 26 août 1 000 kg d’avoine.
Malgré tous les efforts des paysannes, parfois jusqu’à l’épuisement, les productions vitales (blé, pommes de terre...) baissent et des terres sont en friches (parcelles de pente, de faible super cie ou aux sols de médiocre qualité) au point qu’un projet de les remettre en culture naît, exemple à Saint-Sernin, mais sans suite.
6 août : Départ d’une vingtaine de chevaux et d’une quinzaine de voitures se dirigeant sur Vallon.
2 - Les femmes dans les usines
Lors de la séance du 13 mars 1916 du sous-comité départemental consultatif d’action économique à la
8 août : Tous les habitants sont invités à se présenter en mairie pour déclarer toutes leurs récoltes. La batteuse de M. Sauze est réquisitionnée pour faire le blé, l’avoine de la commune ».
Pour les femmes des pauvres paysans et des ou- vriers agricoles mobilisés, la survie dépend de l’allo- cation de 1,25 F par jour à laquelle s’ajoute les 0,50 F par enfant.
4. Archives privées Johan Deleuze.
5. Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°79.
Cahier de Mémoire d’Ardèche et Temps Présent n°139, 2018
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