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L’ETOILE




                                          Contrairement à la plupart des ballerines, Maïa Plissetskaïa
                                          ne fit jamais partie du corps de ballet. Elle devint
                                          immédiatement soliste. Ouverte à toute expérience,
               imaginative, dotée d'un grand sens artistique, d'un talent de comédienne, d'un
               profond sens musical, et d'une personnalité exceptionnelle, elle a même été
               qualifiée de « rebelle » par d'aucuns pour avoir vaillamment tenu tête aux multiples
               affronts (filatures du KGB, véto sur ses projets artistiques, incursions dans sa vie
               privée, surveillance de ses relations à l'étranger, vexations multiples, etc.) de la
               classe politique dirigeante de l'époque .
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               Maïa  Plissetskaïa  a  marqué  de  son  empreinte  nombre  d'interprétations :
               l’Odette/Odile du Le lac des cygnes qu'elle danse, à partir de 1947, avec toujours le même
               triomphe, à l'occasion de plus de 800 représentations dans le monde entier, ou encore
               le personnage d’Aurore dans La Belle au bois dormant (1961). La fluidité de ses longs
               bras reste inégalée dans son interprétation de La mort du cygne de Camille Saint-Saëns,
               une courte pièce qu'Anna Pavlova avait rendue populaire avant elle, et qui sera la
               carte de visite de Plissetskaïa sa vie durant.
               Maïa  Plissetskaïa  interprète  encore  de  façon  magistrale  nombre  de  ballets  parmi
               lesquels Raymonda, la fougueuse Carmen Suite, Don Quichotte, où sa technique hors pair
               lui permet les fouettés en tournant et les sauts de souplesse, d'adresse et d'équilibre
    45         dont elle a le secret. Il faut encore saluer Roméo et Juliette, Spartacus, Laurencia, La nuit
               de Walpurgis, Isadora et, plus tard, le Boléro, ballet du chorégraphe et danseur Maurice
               Béjart sur la musique de Maurice Ravel. Par-delà sa technique extraordinaire, elle sait
               donner consistance, épaisseur et émotion à chaque personnage qu'elle représente.
               Elle a changé le ballet à jamais, plaçant très haut la barre pour les ballerines du monde
               entier, à la fois par sa technique brillante et par sa présence dramatique. L'Amérique
               du Nord  l'ovationne en 1959 dans  le cadre  d'une  tournée du Bolchoï.  Mais  c'est
               en France que l'étoile de la danse connaît son plus grand succès, elle sera Artiste
               invitée  de  l'Opéra  de  Paris,  du Ballet  du  XXe  siècle de Maurice  Béjart,  du Ballet
               national de Lausanne, du Ballet de Nancy, de la Biennale de Lyon ainsi que de la
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               plupart des festivals importants .
               En 1960,  elle  est  nommée étoile du Bolchoï.  En 1962,  deux  ans  à  peine  après
               que Galina Oulanova (première danseuse de 1944 à 1960) eut pris sa retraite, Maïa
               Plissetskaïa devient, fait extrêmement rare, prima ballerina assoluta du Bolchoï. Elle y
               défendra, par la suite, contre vents et marées, certains chorégraphes modernes, dont
               elle a elle-même dansé les nouveaux ballets. C'est grâce à elle que la Russie a pu
               découvrir l'art d'un Roland Petit ou d'un Maurice Béjart qui disait d'elle qu'elle était
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