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La Chaloupe - décembre 2017
              Tous les jours, un bulletin météorologique donne la vi-  Le camouflage
           tesse du vent, sa direction. Les hommes commencent par le                              ère
           renflouage  du  ballon  qui  consiste  à  remplacer  le  gaz  de   Le camouflage est né pendant la 1  guerre mon-
                                                                diale.  Les  allemands  se  sont  dissimulés  en  creusant
           l’ascension  précédente.  L’observateur,  vêtu  de  son  passe-
           montagne, peau de bique, bottes fourrées, gants, enjambe la   des tranchées. Les français les imitèrent.
           nacelle.
                                                                   Les  premiers  camoufleurs  étaient  des  artistes.  Ils
              Il dispose d’instruments de précision : un altimètre, un   maquillaient les canons qui déroutaient la curiosité des
           anémomètre, de cartes, quelques jumelles à grossissement   avions allemands. Ils cherchaient des moyens d’invin-
           divers, un appareil téléphonique, une carabine et un ther-
                                                                cibilité pour les emplacements des batteries, des postes
           mos.
                                                                d’observation, les villages, les bois, les tranchées.
              La corderie du ballon est solidement arrimée au câble
                                                                   Chaque armée possède une équipe de camoufleurs.
           d’acier du treuil du camion treuil.
                                                                Le  long  des  routes  où  l’œil  de  l’ennemi  peut  sur-
                Le ballon est prêt  à effectuer son ascension à  1  000   prendre   les   mouvements,   de   longues   toiles
           mètres. Par temps clair, un observateur arrive à voir dis-  «  d’emballage  »  sont  tendues  et  s’échelonnent  ;  ces
           tinctement  jusqu’à  une  vingtaine  de  kilomètres.  Cartes  en   toiles sont peintes et imitent pour des observateurs la
           main, il ajuste ses jumelles, il repère une cible ennemie, par   couleur du paysage, derrière lesquels des convois pas-
           exemple un convoi de munitions d’artillerie. Aussitôt, il se
           met  en  communication  avec  sa  batterie,  calcule  l’orienta-  sent  inaperçus.  On  plante  aussi  de  faux  arbres  artifi-
           tion  pour  les  maîtres-  pointeurs,  exécution  du  tir,  résultat   ciels.
           positif. Surveillance et réglage des tirs sont les deux fonc-
                                                                   Le camouflage est surtout important chez les artil-
           tions de la « saucisse ».
                                                                leurs qui doivent prendre les précautions nécessaires,
                                                                élaborer toutes les ruses possibles pour ne pas être dé-
           10 avril.
              Les  tranchées  allemandes  sont  bombardées  par   masqués. On égare l’ennemi sur des fausses batteries,
           notre  artillerie  de  tranchées  ;  malheureusement,  le   de faux abris. Le travail principal se fait la nuit. Les
           temps est mauvais, pluies et neige et cela gêne beau-  camoufleurs  comme  tous  les  poilus  en  subissent  les
                                                                effets meurtriers. Le camouflage est devenu une arme
           coup l’aviation.
                                                                de sécurité et de protection.
           19 avril.
              L’ennemi a sérieusement bombardé la ville la nuit    Nous continuons le récit pour l’honneur de ses ca-
           dernière.  Notre  ravitaillement  en  munitions  a  pu  ce-  marades.
           pendant se faire sans incident.
                                                                   Un  obus  ennemi  met  le  feu  à  un  dépôt  de
                                                                « gargouses » ; celui-ci a communiqué l’incendie au
           16 avril.
              Aujourd’hui, a été le jour « J » fixé pour l’offen-  bâtiment. Le feu est complètement éteint à 17 heures.
           sive de Champagne. A trois heures, on donne lecture
           de l’ordre du jour du Général Nivelle, ainsi conçue :   27 avril
                                                                     Violent bombardement de la batterie (600 coups
           « Officiers, sous-officiers, soldats, l’heure est venue ;
                                                                de 9 h à 12 h). La batterie subit un feu continu pendant
           courage, confiance, Vive la France… »
                                                                des  périodes  de  15  minutes  ;  les  traces  laissées  par
                                                                                         1
              A 9 h 30, tout le monde est à son poste de combat   ceux  ayant  fait  «  fougasse »,  semblent  provenir  de
           et les tirs commencent aussitôt. La canonnade est in-  Fresnes, Vitré et Berrue. Pas d’accident du personnel,
                                                                                                       e
           tense sur tout le front ; le « boche » ne répond pas ou   mais le matériel a beaucoup souffert. La 2  pièce est
                                                  e
           presque ; nous n’avons pas de perte. La 4  batterie a   rendue indisponible. Des obus tombent sur les dépôts
                                                                             2
                                                                de « gargouses  » placés en divers endroits. Beaucoup
           tiré 812 obus.
                                                                sont  ainsi  rendus  inutilisables  par  les  éclats  qui  ont
           24 avril.
                                                                émietté la poudre.
              Un « Schrachem Allemand en dérive passe sur la
                                                                 er
           position à une grande hauteur et se dirige vers l’inté-  1  Mai.
                                                                     L’aviation ennemie est active de jour et de nuit.
           rieur de nos lignes.
                                                                Plusieurs bombes sont jetées sur Reims. Un fantassin
                                  26 avril.                     qui passait sur la route à côté de nous, est blessé par
                                   L’oncle  Joseph  JOSSO  est
                                  blessé  assez  grièvement.    un obus. Ramassé par nos hommes, il meurt peu après.
                                  «  Fracture  de  l’omoplate   3 mai.
                                                                     L’ennemi  tire  de  partout  sur  la  ville.  L’hôtel  de
                                  droite par éclats d’obus ».
                                  Note du Régiment n°290 du     Ville est particulièrement visé ; il brûle dans la soirée.
                                  29 juillet 1918 :             4 mai.
                                                                     L’Hôtel  de  Ville  de  Reims  a  été  complètement
                                  «  S/officier  remarquable  de   détruit  par  l’incendie.  Il  ne  reste  que  quatre  murs.
                                  calme et de sang-froid. S’est
                                  particulièrement  bien  com-  1 - Fougasse : ancienne appellation donnée à la mine souterraine
                                  porté  lors  des  dernières  at-
                                                                camouflée. Faire fougasse : exploser comme une fougasse.
                                  taques, assurant le tir de sa    2 - Gargouse ou gargousse :  conditionnement d'une charge pro-
                                  pièce  sous  un  violent  bom-  pulsive d'artillerie (sous forme de poudre noire, puis de corde ou
                                  bardement  et  sous  un  ca-  de plaquettes en nitrocellulose) dans une enveloppe de tissu, de
                                                                                                        e
                                                                papier  ou  de  parchemin.  À  partir  de  la  fin  du  XIX   siècle,  les
                                  mouflage en flammes ».
                                                                gargousses  sont  progressivement  remplacées  par  les  douilles
                                                                métalliques.
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