Page 42 - MOBILITES MAGAZINE n°55
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 Politiques & institutions
  UNE CLASSIFICATION UIC NON IDOINE QUI IMPLIQUE UN « RÉFÉRENTIEL IRRITANT » ?
 Les réflexions des rapporteurs de l’étude de la Fédération des Industries Ferroviaires ont pu sans doute se nourrir des nombreux travaux déjà parus sur le sujet des petites lignes. Parmi lesquels on remarque un important document issu de SNCF Réseau paru à la fin de
(1)
2019 . Rapport qui a le mérite de pointer
dans ses prémisses le manque de précision
des classifications officielles. Qui, peut-on
ajouter, a longuement servi depuis des
décennies à liquider les « petites lignes »
faute de critères à la fois fiables et précis.
Puisque les lignes de desserte fine du territoire
sont jusqu’aujourd’hui encore identifiées selon la méthode du classement UIC des lignes dites « VII à IX ». Une classification considérée comme par trop globale parce qu’elle est liée d’origine à la charge à l’essieu. Et donc au fret avec des critères d’entretien qui en dé- coulent... même si ces lignes n’ont pas de trafic fret ! Une réglementation rigide qui a l’inconvénient de mettre - si l’on peut dire - « dans le même sac » des axes ferroviaires qui sont radicalement différents.
Ce qui, concrètement, selon le document SNCF Réseau amène à mêler des « maillons de grands axes natio- naux » comme Nantes-La Roche-sur-Yon-Les Sables d’Olonne qui accueille des circulations TGV avec des « lignes à caractère périurbain » comme celles de l’Ouest lyonnais desservies par trams-trains et des « axes qui concourent à la desserte de réseaux de villes régionales » comme Marseille-Briançon. Et aussi des « lignes de maillage rural » comme Rodez-Séverac et Andelot-Saint-Claude, cette dernière fonction ayant même recouvert dans l’opinion le concept de petite ligne...
Toute arbitraire qu’elle soit, cette classification aboutit à considérer que ces lignes « représentent une part non négligeable du Réseau Ferre National avec environ 42 % du linéaire, soit 12 047 kilomètres de ligne. Parmi elles 9 137 km sont ouverts à toutes les circulations [ou aux seuls TER] tandis que 2910 km n’accueillent que des trains de fret ».
La prise de conscience de cette confusion est quand même intervenue depuis quelques années au niveau des cercles de décision gouvernementaux. Au point de pouvoir trouver dans un bref rapport du CGEDD(2) une expression qui évoque crûment pour les coûts et bilans des soi-disant petites lignes le poids négatif d’un « ré- férentiel irritant » (sic !) qui conduirait notamment à des coûts d’entretien et de maintenance beaucoup plus élevés que ceux des lignes équivalentes en Alle- magne. Puisqu’en France selon SNCF Réseau ces coûts (associant maintenance plus exploitation) atteignaient en 2017 de 60 000 € à 70 000 € par kilomètre [au lieu de] « 20 000 € / km pour les lignes secondaires alle- mandes [hors DB Netz, ndlr.] et 30 000 € / km pour les lignes régionales de la Deutsche Bahn selon le cabinet TTK ». Sans préciser toutefois si en Allemagne les coûts
d’exploitation sont inclus - en totalité ou en partie - dans cet ensemble...
La situation française serait liée au fait que de nombreux éléments du référentiel de maintenance « découlent directement de la réglementation en vigueur sur le Ré- seau Ferré National [mais] la majorité d’entre eux tra- duisent la difficulté d’appliquer des règles générales conçues pour la gestion de lignes importantes [et] en quelque sorte surdimensionnées pour les petites lignes ». Ce qui amène l’auteur de ce rapport qui veut se situer dans la même démarche que celle du Préfet Philizot, de proposer « d’intégrer les petites lignes dans la liste des lignes non stratégiques du réseau ferré national [tout en] faisant préciser par l’EPSF (Établissement Public de Sécurité Ferroviaire) celles des spécifications techniques d’interopérabilité qui devraient y être pro- mues ». Autrement dit « finaliser pour les petites lignes un cadre réglementaire de sécurité de lignes secondaires du Réseau ferré National »...
1) « Lignes de dessertes fines du territoire. Nouvelle méthode pour les projets de modernisation », 102 pages, cartes, photos, tableaux.
2) Denis Huneau, « De nouveaux référentiels pour les petites lignes ferroviaires », Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable (CGEDD), Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, 11 pages, décembre 2019.
   42 - MOBILITÉS MAGAZINE 55 - JANVIER 2022
 














































































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